CLEOPATRA

 

Personajes

 

CLEOPATRA

MARCO ANTONIO

OCTAVIA

SPAKOS

AMNHÈS

CHARMION

ENNIO

SEVERO

Reina-Faraón de Egipto

 General romano

Esposa de Marco Antonio

Amante de Claopatra

Tabernero

Doncella de Claopatra

Oficial romano

Oficial romano

Mezzosoprano

Barítono

Soprano

Tenor

Barítono

Soprano

Barítono

Barítono

 

 

La acción se desarrolla en Alejandría, entre los años 41 al 30 a.C.

 

ACTE  PREMIÈRE


Le Camp de Marc-Antoine

(Le camp romain, à Tarse, en Asie-Mineure,
sur les bords du Cydnus. D'un côté la tente de
Marc-Antoine. Au fond, le fleuve. On aperçoit,
de ci de là, l'amorce d'autres tentes.
Marc-Antoine, entouré de ses lieutenants et
des aigles romaines, est assis un seuil de sa
tente. En face du triumvir, les Envoyés
des peuples soumis et les Tributaires.
Des esclaves sont inclinés vers le sol,
les bras étendus. Ils ont devant eux des
présents: coffres ciselés remplis d'or,
corbeilles etc. Spakos, un peu à l'écart, est
debout, les bras croisés au milieu d'un groupe
d'esclaves égyptiens agenouillés à ses pieds.
Des soldats romains en armes montent
la garde devant la tente et derrière les
Tributaires)


CHEFS ROMAINS

ENVOYÉS, TRIBUTAIRES
Rome est grande et son nom rayonne sur
le monde!
Marc-Antoine a partout fait triompher ses aigles
Et les peuples d'Asie,
O vainqueur te supplient d'accepter leurs tributs
Gloire à toi, triumvir! gloire à toi!
gloire à toi, triumvir! gloire à toi!
gloire à toi! gloire à toi, triumvir!
Rome est grande et rayonne sur le monde!

(Trompettes dans le camp)

MARC-ANTOINE
(aux Envoyés)
Je reçois votre hommage et vous promets la paix.
Sur vous la République étend
son bras vainqueur
Des colonnes d'Hercule aux montagnes
d'Asie, le soleil rayonnant n'éclaire
désormais que des terres romaines.
Le triumvir Octave a vaincu l'Occident,
moi, j'ai dans l'Orient asservi la victoire
et ma force à jamais me la rendra fidèle!
Vaincu, obéissez, car Rome
est la plus forte et sa gloire
à jamais rayonne sur le monde!

CHEFS ROMAINS, ENVOYES
Gloire à toi! gloire à toi, triumvir!

(Les esclaves se relèvent et suivis des

Tributaires portent les présent dans la
tente de Marc-Antoine. Les Envoyés
s'éloignent. Seul Spakos ne bouge pas.
Trompettes dans le camp)


MARC
-ANTOINE
(à Spakos qui est resté immobile)
Et toi qui restes seul devant nous,
les mains nues, de quel Roi,

de quel peuple
annonces-tu la soumission?

SPAKOS
(calme)
Je n'ai point de présents...
ni de coffres pleins d'or!
O triumvir, pourtant je t'annonce
un trésor qui vaut les plus rares merveilles
Cléopâtre bientôt paraîtra devant toi!
Elle a quitté l'Egypte... elle approche de Tarse...

MARC-ANTOINE
(avec un mouvement d'orgueil)
Cléopâtre!

(à ses lieutenants)


Je l'ai mandée pour qu'elle se soumette.

(à Spakos)

Qui donc es-tu?

SPAKOS
Un de ses affranchis...

qui, comme tous
les hommes, tremble et pâlit
quand son regard l'effleure!

MARC-ANTOINE
(railleur)
Pour avoir fait le choix d'un tel ambassadeur...
elle a suivi mes ordres...
elle vient en esclave...

SPAKOS
(impassible)
Tu la verras!

MARC-ANTOINE
(à ses lieutenants)
Elle vient m'implorer le coeur rempli de crainte

SPAKOS
(de même)
Tu la verras...

MARC-ANTOINE
Je la verrai s'humilier... je ferai plier sa fierté.

(orgueilleusement)


Je ne suis pas César pour qu'on se joue de moi!
Courtisane!
Courtisane au front couronné!

(méprisant)


Elle ne connaît pas le nombre des amants qu'elle
a tenus dans ses bras amoureux!
Ah! Cléopâtre, tu crois m'asservir!
Tu prépares tes ruses et tes pièges voluptueux!
Courtisane!

(concentré)


Quel est l'amant que tu délaisses pour venir
jusqu'ici te soumettre à ma loi?
De quels baisers seront meurtries tes lèvres?
Courtisane!
Courtisane au front couronné!

(hautainement)


Je maintiendrai ma gloire et la fierté romaine...
Cléopâtre! Je ne te crains pas!

Courtisane! Va! Courtisane!

(Arrivée d'un premier cortège d'Esclaves

Grecques qui portent des fleurs. Une
d'elles marche isolée, les bras chargés de
roses. Des Soldats Romains arrivent peu
à peu et regardent curieusement)

ESCLAVES GRECQUES
(tous les Sopranos)
Coulez, coulez entre nos doigts,
Calices blancs.
Volez, glissez, Calices blancs!
Volez, calices roses!
Glissez, Volez!
Glissez, Volez, Volez! Volez! Glissez!

MARC-ANTOINE
(montrant celle qui est à genoux devant

lui et qui effeuille des roses à ses pieds)
Cléopâtre... c'est elle?
 

SPAKOS
A tes genoux... Ce n'est qu'un esclave
choisie entre les plus parfaites.

MARC-ANTOINE
Que dis-tu? Elle est donc bien belle?

SPAKOS

C'est la plus belle!

(De nouveau s'avance un autre cortège.

Ce sont des Esclaves Egyptiennes, portant
des présents, de riches coffrets, des voiles
brodés d'or et d'argent; d'autres agitent
des cassolettes; une d'elles marche isolée
et soutient de ses mains étendues un voile

brillant et superbe, le voile de Cléopâtre)

ESCLAVES ÉGYPTIENNES
(tous les Contraltos)
Daigne accepter le cinname et la myrrhe.
Grise-toi des parfums les plus rares.
Grise-toi... de parfums!

MARC-ANTOINE
(à celle qui lui présente le voile de
Cléopâtre, à genoux devant lui)
Et toi... qui donc es-tu?

CHARMION
Une esclave de Cléopâtre à peine digne
de dénouer le fil de ses sandales d'or!

MARC-ANTOINE
Est-ce donc une enchanteresse?
Ah! malgré tout je briserai ses charmes...
Je la verrai!

SPAKOS
(à Marc-Antoine)
Tu veux la voir... Eh bien!
Dans la splendeur du soleil qui s'incline,
regarde au loin venir cette galère d'or
aux voiles empourprées.
Regarde! Respire les parfums
que t'apporte la brise!

(très expressif)


Vois! au milieu des nymphes... et des grâces...
immobile, radieuse!
Est-ce une femme? Non!
C'est Vénus elle-même! C'est Vénus - Cléopâtre!
Les voluptés lui font cortège, et, comme un peu
de neige au baiser du soleil, les coeurs les plus
glacés fondent sous son regard!

(Dans une exaltation d'amour et de triomphe,

pendant que la galère de Cléopâtre arrive sur
le Cydnus. La poupe en est éclatante d'or, les
voiles sont de pourpre, les rames sont garnies

d'argent. Le pont est couvert d'un pavillon où
brillent des étoffes tissues d'or. Cléopâtre,
dans une tunique transparente qui laisse deviner
les splendeurs de son corps, est là, immobile au
milieu de ses suivantes, vêtues en grâces et en
nymphes. Des parfums brûlent autour d'Elle.
Des flancs de la galère descend un large escalier

qui vient toucher la rive. A terre, les femmes
étalent des tapis pour faire un chemin à
Cléopâtre)

Peuple, adorez, dans sa beauté sacrée,

Adorez, adorez Cléopâtre!
Peuple, adorez,
Adorez! adorez! adorez! adorez!

MARC-ANTOINE
(extasié)
Cléopâtre!!

ESCLAVES
C'est Vénus-Cléopâtre!
Les voluptés lui font cortège!
Ah! Ah!

CHEFS ROMAINS
C'est Vénus-Cléopâtre!
Les voluptés lui font cortège!
C'est Vénus!
C'est Vénus-Cléopâtre!
Cléopâtre! Cléopâtre!

CHARMION
(avec séduction)
Cléopâtre! Cléopâtre!

CLÉOPÂTRE
(qui s'est avancée, seule, vers Marc-
Antoine, devant lequel elle s'incline)
Je suis venue quittant mes palais enchantés...
je suis venue...
J'ai fui mon Egypte et mes cieux tout parfumés
d'amour... tout baignés de tendresse,
et mes terrasses en fleur près du Nil
qui paresse... en dérobant au soir
le regard des étoiles... je suis venue!

(très chanté)


O Marc-Antoine, ô maître! me voici, me voici
devant toi, prête à te servir comme
on sert son maître et son Dieu!

MARC-ANTOINE
Est-ce toi, Cléopâtre?

CLÉOPÂTRE
Cléopâtre n'est plus.

Je ne suis qu'une femme...
dont tu connaîtras le secret...
se tu le veux!

MARC-ANTOINE
Je ne cèderai pas à tes ruses ensorceleuses!

(avec use intention méprisante)


Je ne suis pas César.

CLÉOPÂTRE
Je sais bien que ton coeur
est plus fort que le sien.
Je viens en suppliante...

et soumise aux rigueurs de ta loi...
pourquoi donc aurais-tu peur de moi?

MARC-ANTOINE
Je ne crains rien... mon âme est fière
et mon coeur assuré.

CLÉOPÂTRE
(calme et énigmatique, elle attend,
regardant Marc-Antoine)
Je le savais déjà...

MARC-ANTOINE
(aux autres)
Laissez-nous!

(Sous le regard de Cléopâtre, Marc-Antoine,

brutal, écarte du geste ceux qui voulaient
demeurer. On s'éloigne de tous côtés. Cléopâtre
et Marc-Antoine seront seuls. Sur la galère

immobile, il n'y a plus de visible qu'une esclave
qui veille. C'est le crépuscule doré d'un jour
magnifique)


MARC-ANTOINE
Eh! bien... que veux-tu? Parle!

(Cléopâtre garde le silence, immobile)


Tu te tais... maintenant!
Est-ce par ruse ou raillerie?
Croyais-tu donc qu'en te voyant...
Sur un geste de toi, sur un simple regard...
j'allais tomber à tes genoux!

(Il attend... Elle est impassible; il continue)


Tu es belle. C'est vrai!
Certes plus belle encor que je ne t'avais vu
au lointain de mes rêves...
le désir... rôde à tes côtés.

(avec une énergie menteuse)


Mais moi, je te connais...

je peux braver tes yeux
qui sont des sortilèges...
et je vais te chasser
honteuse et méprisée!

(Elle n'a pas tressailli; il s'étonne

que sa violence ne l'émeuve pas)

Tu te tais... et je sens sur moi se poser ton regard
implacable et troublant.
Quelle es-tu donc pour oser ainsi me regarder
en face, quand je parle!

(Rôdant autour d'elle, comme une bête
fauve qui frémit devant son maître et
n'ose s'attaquer à lui)


Oui... tu connais ta force...
tu sais que tu es belle...
ta chair est un marbre vivant...
tes yeux sont des abîmes de mystère
et de volupté...
Détourne tes regards... ils épuisent ma force!
Ne reste pas ainsi... attentive...
au désir que tu sens naître en moi! ah!

(comme un fou)


Va-t-en! Va-t-en!

(dans une supplication et un râle d'amour)

Je ne veux pas t'aimer!
Je ne veux pas t'aimer! ah!
Va-t-en!
Va-t-en!

(Un fugitif sourire éclaire le visage de Cléopâtre)

CLÉOPÂTRE
(lentement, expressif et tendre)
Je craignais un vainqueur...
j'ai trouvé Marc-Antoine...
et je suis son esclave...

(sans un geste elle va vers lui,

le regardant, le fascinant)

MARC-ANTOINE
(dans un élan éperdu enlace

Cléopâtre; long baiser)
Ah!

(Le soir est venu, bleu, diaphane, taché
encore de rose par endroits. On entend

une sonnerie de trompettes et un bruit
de pas, une rumeur qui se rapproche)

MARC-ANTOINE
(écoutant)
Qui donc ose venir vers moi?

(Ennius arrive, suivi d'une escorte

de chefs et de soldats romains)

ENNIUS
(qui tient un rouleau de

parchemin entre ses doigts)
Pardonne, ô triumvir, si j'ai forcé ton seuil...

(lui tendant le rouleau)


Mes ordres sont pressants... ils viennent du Sénat.

MARC-ANTOINE
Du Sénat?

(Il s'approche d'un trépied élevé vient
d'allumer et déroule le parchemin, le lit,
le visage éclairé par les reflets de la flamme.
Cléopâtre, debout, l'observe avec une

fureur mal contenue)

Partir pour Rome!
Ils ont osé me rappeler pour me justifier...
pour leur rendre des comptes... me donner ainsi
l'ordre... de partir... sur le champ!
Ils ont osé!

ENNIUS
Notre galère attend...

MARC-ANTOINE
Assez...

ENNIUS
(pendant que Marc-Antoine regarde Cléopâtre)
Ne crains pas, triumvir,
que Rome te traite en ennemi...
Dès ton retour, Octave t'offrira de mettre
dans la tienne la main de sa soeur Octavie.

(silence)
 

MARC-ANTOINE
J'entends être mon maître...

ENNIUS
Songe que le Sénat te réclame et t'attend.

(Ennius sort son escorte.
Marc-Antoine réfléchit intensément)


CLÉOPÂTRE
(qui s'est approchée doucement de Marc-Antoine)
Marc-Antoine... adieu donc...

MARC-ANTOINE
(anxieux)
Tu veux me fuir?

CLÉOPÂTRE
(douloureuse)
Tu dois partir demain...
Va-t-en... suis ton destin... moi je suivrai le mien...
O mon beau vainqueur!

(avec une résignation menteuse)


Pars!

MARC-ANTOINE
(violent, éperdu)
Je ne partirai pas!
Que me fait Rome ou le Sénat...
quand ton baiser m'attend?
J'oublierai dans tes bras jusqu'à
ma gloire même... je ne partirai pas!

CLÉOPÂTRE
(très amoureuse)
Alors fuyons tous deux... suis-moi,
Viens en Egypte, au pays des plaisirs
et de la volupté...
Tu partiras plus tard... si tu le veux... pour Rome...

(douloureux)


... plus tard... si tu le veux...
tu prendras Octavie pour épouse...

MARC-ANTOINE
Tais-toi! tais-toi!

CLÉOPÂTRE
(féline, enveloppante)
Mais je te griserai de si douces caresses...
j'enchanterai ton être de plaisirs si profonds
que je défie le sort de pouvoir m'arracher
de ton coeur et de ton souvenir...

MARC-ANTOINE
Cléopâtre!

CLÉOPÂTRE
Viens... ma galère est là... prête à mettre
à la voile... pour le voyage heureux...
sous le ciel plein d'étoiles!

VOIX AU LOIN
Cueillons tous les baisers..

CLÉOPÂTRE
Viens! C'est la nuit d'amour

VOIX AU LOIN
L'amour est le maître du monde...

CLÉOPÂTRE
... ah! viens! Je suis tout à toi!

(Cléopâtre et Marc-Antoine sont arrivés à
la passerelle qui même à la galère. Cléopâtre

passe la première et monte sur le pont)

MARC-ANTOINE
(entendant les appels de trompettes,
s'arrête, inquiet, troublé)
Ces appels... mes soldats...

CLÉOPÂTRE
(tendent les mains vers lui)
Marc-Antoine!

MARC-ANTOINE
(s'élançant, après avoir lutté

contre lui-même un instant)
Cléopâtre!

(Elle lève les mains vers les étoiles. Ils sont

tous deux violemment éclairés par la lune)

CLÉOPÂTRE
C'est la nuit d'amour...

(Les esclaves poussent avec des perches
le galère qui s'éloigne doucement)


FEMMES AU LOIN
Cueillons tous les baisers... les baisers!
 
 

ACTE  DEUXIÈME


Premier Tableau
 

Le mariage romain

(C'est à Rome dans l'atrium de Marc-Antoine,
le jour de ses noces avec Octavie. Au fond,

l'entrée de l'atrium; à droite celle de la
chambre nuptiale. Des groupes d'amis, de
clients, occupent l'atrium; à gauche, un groupe
d'officiers romains parmi lesquels Sévérus.
Des esclaves ornent la demeure de branches
et de fleurs, etc)

ENNIUS
(arrive du fond et s'adresse à l'esclave de la porte)
Esclave de la porte, où donc est Marc-Antoine?

L'ESCLAVE
Il paraîtra dès que l'épouse
approchera du seuil...

ENNIUS
(allant vers le groupe, à gauche)
Je viens unir mes voeux à ceux de ses amis.

SÉVÉRUS
(le voyant approcher)
Ennius, te voici de retour parmi nous!

ENNIUS
Oui, j'arrive d'Egypte...

SÉVÉRUS
Où le premier tu portas au triumvir
le rappel du Sénat...

ENNIUS
Je l'ai vu dans son camp soumis à Cléopâtre!

SÉVÉRUS
Crois-tu que son retour ait dissipé sa fièvre?

ENNIUS
Six mois il résista aux ordres du Sénat...
Six mois il s'est gorgé de plaisirs
et d'ivresses, asservi dans l'Egypte
aux pieds de Cléopâtre!
La volupté l'enlaçait de ses chaînes fleuries
plus fortes sur les coeurs que les chaînes
de fer sur les bras des vaincus!
Mais il partit enfin!
J'apprends à mon retour qu'il épouse Octavie!
C'est que son âme est libre
et son coeur sans regrets.

(Au dehors on entends le chant d'Hyménée

qui devient de plus en plus distinct)

VOIX DU CORTEGE NUPTIAL
Hyménée! Hyménée! Hyménée!

ENNIUS
Ah! c'est la jeune épouse et son cortège heureux!

VOIX DU CORTEGE NUPTIAL
Hyménée! Hyménée! Hyménée!

(tous accompagnent ce chant d'un
battement de mains léger et cadencé)


Ceins ton front de la marjolaine,

de ton pied léger frappe la terre en fête!
Hyménée! Hyménée!

(Le cortège débouche au fond de l'atrium.
Ce sont des jeunes gens et des jeunes filles.

Le cortège est précédé des quatre divinités
protectrices du mariage. Les membres du
cortège portent des flambeaux en bois de
sapin. Octavie paraît - elle s'arrête au seuil
de l'atrium. Marc-Antoine paraît sur le seuil
de la chambre nuptiale)


VOIX DU CORTEGE NUPTIAL
Ceins ton front de la marjolaine,

de ton pied léger frappe la terre en fête!
Hyménée! Hyménée!

(Octavie toujours voilée est devant Marc-Antoine)

MARC-ANTOINE
Toi qui franchis, voilée, le seuil de ma demeure,
Vierge, qui donc es-tu?

OCATVIE
Si tu le veux, je serai ton épouse fidèle

MARC-ANTOINE
O Vierge, permets-moi de soulever
le voile où ta beauté se cache.

OCTAVIE
Obéis au désir qui caresse ton âme.

MARC-ANTOINE
Permets à mon regard d'effleurer ton visage, de
passer sur tes yeux plus frais que les pervenches!

OCTAVIE
Je n'ai rien à t'offrir
que ma jeune tendresse.
Je te la donne!
Prends ma jeune tendresse!
O douceur! 

MARC-ANTOINE
O douceur!
O tendresse!
O douceur!
C'est ici la demeure où tu seras l'épouse
entre toutes choisie!

(aux compagnes d'Octavie)


Guidez-la dans la chambre
où l'attend mon désir...
Préparez sa candeur aux mystères heureux!

VOIX DU CORTEGE NUPTIAL
Hyménée! Hyménée!

(Les femmes conduisent Octavie dans la
chambre nuptiale. Le cortège des jeunes
gens s'éloigne. Marc-Antoine restera seul
avec ses officiers)


SÉVÉRUS
(à Marc-Antoine)
Triumvir, ton bonheur réjouit ceux qui t'aiment.

MARC-ANTOINE
(à tous)
S'il est quelque faveur qui soit en mon pouvoir,
je veux vous l'accorder. Parle... toi, Sévérus!

SÉVÉRUS
Je ne veux que combattre encore à tes côtés!

MARC-ANTOINE
Rome et la République auront besoin de nous!

(voyant Ennius)


Ennius... je te croyais au loin... où servais-tu?

ENNIUS
Dans les légions d'Egypte...

MARC-ANTOINE
(avec une certaine émotion)
En Egypte?

ENNIUS
Oui, triumvir, et j'en arrive...

MARC-ANTOINE
Que disent mes soldats?

ENNIUS
Leurs voeux accompagnent les miens!

MARC-ANTOINE
(après une hésitation)
Et la Reine?

(Ennius a un mouvement de

surprise. Marc-Antoine poursuit)

Parle sans crainte...
Mon coeur est guéri de sa fièvre...
mais je voudrais goûter mon bonheur
sans remords...
savoir qu'une douleur ne pleure plus là-bas!

ENNIUS
(légèrement)
Alors... rassure-toi!
Cléopâtre est heureuse...

MARC-ANTOINE
(surpris et s'éfforçant de rire)
Que dis-tu? Se pourrait-il?

ENNIUS
(légèrement)
Aux bras de cette courtisane un amant
a passé... un autre le remplace...

MARC-ANTOINE
(devinant dans une sorte de rugissement
de douleur; effrayant)
Spakos! Ce n'est pas vrai!

ENNIUS
J'en atteste le ciel!

MARC-ANTOINE
(dans un râle de désespoir)
Ah!

ENNIUS
(surpris de sa fureur)
Marc-Antoine, est-ce un piège
que tu m'aurais tendu?

MARC-ANTOINE
(se ressaisissant un peu)
Non! non! Je me croyais plus fort...
Plus un mot!

(les éloignant du geste)


Laissez-moi... Laissez-moi!

(Ses compagnons, après s'être consultés
du regard,... s'éloignent; Marc-Antoine est seul)


A-t-il dit vrai? ah! quel réveil affreux!
Je veux tout oublier... j'oublierai cette femme!
Mais s'il m'avait trompé!
Cet Ennius déjà est venu en Egypte...
m'apporter l'ordre du Sénat...
S'il était de nouveau l'instrument
de tous mes ennemis!

(avec désespérance)

O dieux cruels, pourquoi me torturer-ainsi!
Cléopâtre! J'ai peur des souvenirs
qui s'éveillent en moi...
Tes baisers répondraient aux caresses
d'un autre?
Tu donnerais ton corps au plus vil des esclaves!
Ah! l'horrible pensée!
L'affreuse torture!

(Il est fou, haletant; il se précipite sur le
coffret de Cléopâtre qui se trouve dans un
meuble à gauche, sous les images des
ancêtres; dans un râle)

Tes messages d'amour...
Ne seraient que mensonges!

(désespérément)


Cléopâtre!

(Il ouvre le coffret et en tire des voiles légers)


Ah! ces voiles légers!...

(il les respire passionnément)

L'enivrant et subtil parfum de ta chair
y demeure endormi...

(prenant les tablettes)

Oh! pouvais-tu mentir...
quand tu traçais ces lignes!

(lisant avec une profonde émotion)

"Solitaire sur ma terrasse, je pense à toi!
Et j'évoque une nuit entre toutes heureuse
C'était le clair printemps!
Hélas! tu n'es plus là...
Je t'attends et je pleure... et dans mon coeur
meurtri, loin de toi, c'est l'hiver!
Solitaire sur ma terrasse, je pense à toi!...
Je pense à toi!"

(à lui-même)


Non! tu ne mentais pas quand tu traçais ces
lignes! tu ne mentais pas!

(apercevant Octavie se dresse,
et repousse les tablettes)


Octavie!

OCTAVIE
(avec douceur)
Marc-Antoine... qu'as-tu?

MARC-ANTOINE
(essayant de se maîtriser et la repoussant)
Va-t-en... laisse-moi seul...

OCATVIE
(avec une surprise douloureuse)
Marc-Antoine...

MARC-ANTOINE
(vaguement)
J'ai peur de moi... je deviens fou...
ah! fuis-moi!
Je ne veux pas souiller ta candeur et ta grâce...
Je ne peux pas t'aimer... fuis-moi...
J'ai peur de moi!

OCTAVIE
Ah! par pitié... tais-toi... chaque mot cause
une blessure par où mon âme saigne toute...

(dans les sanglots s'accrochant à lui)


Marc-Antoine... pitié... pitié!
J'ai peur de deviner!

MARC-ANTOINE
(torturé)
Ah! regarde, s'il le faut, jusqu'au fond
de moi-même!
J'ai cru pouvoir t'aimer...
sous tes chastes regards recommencer ma vie!
Mais le passé se dresse tout à coup devant moi,
m'enlace et me reprend!

(comme égaré, éperdu)


Je m'y débats en vain! le passé me reprend!

OCTAVIE
(à ses genoux)
Non! non! je savais tes tourments... ah!
laisse-moi t'aimer comme une soeur...
mais ne me chasse pas... ah! par pitié! ah!
Marc-Antoine... je t'aime...
Ne me chasse pas... par pitié...
laisse-moi près de toi... près de toi!

MARC-ANTOINE
(à part, pendant que parle Octavie,

il continue haletant, torturé)
Un autre est dans ses bras!
Un autre connaît ses baisers...
et ce corps adoré!
ah! c'est mon être qui souffre...
Je saurai si l'on m'a menti...
Je partirai là-bas... là-bas... là-bas!

(décidé)


Je partirai... j'irai la rejoindre en Egypte!

OCTAVIE
(plus désespérément)
Tu partirais? ah! non... pas cela!
tu m'abandonnerais?

MARC-ANTOINE
(la repoussant)
Laisse-moi, laisse-moi!
Comme un réprouvé...
Comme une bête fauve qui sème
sur ses pas la frayeur et la mort!

(Il tombe en sanglotant sur la table)

OCTAVIE
(douloureusement blessée)
Hélas! Hélas!

(avec une profonde émotion)


Adieu donc, Marc-Antoine!

(péniblement, en se retirant)


Si le destin te frappant quelque jour...
Si tu veux un refuge ou calmer ta souffrance...
Songe alors à la mienne... elle t'accueillera
sans rien te reprocher.

(avec une douceur où passe

tout son amour meurtri)

Ma douleur t'attendra... sans jamais espérer!

(Des femmes ont paru sur le seuil de la chambre

nuptiale. Octavie défaillant tombe dans leurs
bras. Elles l'entraînent et elle disparaît dans la
chambre dont les portes se referment.

Marc-Antoine se voit seul, il relève la tête et
alors irrésistiblement il fouille dans le coffre,
en retire le voile de Cléopâtre et, éperdu,
les respire longuement)

MARC-ANTOINE
(passionnément)
O parfum de ta chair!!
 
Second Tableau
 

La taverne d'Amnhès

(Cris; applaudissements enthousiastes dans la
taverne; rideau fermé. C'est à Alexandrie, dans
le quartier populeux de Nicopolis, la taverne
d'Amnhès, sorte de bouge où les matelots, les
soldats, les lutteurs, les filles viennent boire
et s'amuser. La porte d'entrée est au fond. Des

hommes, des femmes pittoresques et sinistres
sont réunis dans le fond et les bas côtés, assis
autour des tables ou allongés sur des nattes. Au
premier plan, sont Cléopâtre et Spakos. Spakos
est vêtu très simplement en esclave. Cléopâtre
est habillée en jeune égyptien, tunique courte
qui descend jusqu'aux genoux; comme coiffure,
la coiffure d'étoffe, dite de sphinx, qui enveloppe
toute le tête et ne laisse voir que le profil. La
taverne est éclairée par des lanternes et des
torches.Amnhès, le parton de bouge, circule
entre les groupes et fait servir à boire. Au fond,
des contorsionnistes, des jongleurs terminent
leurs jeux. On crie, on applaudit, on danse.
Cléopâtre, indifférente et ennuyée, Spakos

tout à la contemplation ardente de Cléopâtre.
Musique dans la taverne)


LA FOULE
Ah! Ah! Ah! Ah!

(Cris; applaudissements en tumulte)

AMNHÈS
(très empressé auprès de Cléopâtre
et de Spakos; à Cléopâtre)
Eh! biens, jeune étranger... parle...
es-tu satisfait?

CLÉOPÂTRE
(nonchalante)
N'as-tu rien de mieux à m'offrir?

AMNHÈS
Par Isis, tu es plus difficile à rendre heureux
que les vieillards les plus lassés!

CLÉOPÂTRE
(riant)
C'est que sans doute ma jeunesse
a déjà goûté trop d'ivresses,
épuisé trop de joies... ah! ah! ah!

AMNHÈS
Je te contenterai... où j'y perdrai ma gloire!
Veux-tu voir danser des éphèbes?
Un deux surtout te ravira!
Alexandrie n'a rien de plus beau à t'offrir...

CLÉOPÂTRE
(nonchalante)
Fais-les danser...

(Amnhès s'éloigne. Rumeurs dans la taverne;

réclamations des consommateurs qui
demandent des boissons on sert aussi à la
table de Cléopâtre et de Spakos; le calme
revient peu à peu. À Spakos)

 
Spakos... tu ne dis rien... qu'as-tu?

SPAKOS
(avec adoration)
Je te regarde!

CLÉOPÂTRE
(moqueuse)
Et je te plais toujours?

SPAKOS
(ardemment)
Ah! tais-toi... tais-toi... par pitié!

(vibrant et tendre)

 

Depuis que ton regard s'est abaissé sur moi...
je reste émerveillé du bonheur qui m'inonde!
Et tu ne peux savoir jusqu'où va mon amour!

CLÉOPÂTRE
(coquette)
Pourquoi t'ai-je choisi?
Pourquoi t'ai-je gardé?

SPAKOS
(ardent)
Mon désir entre tous était le plus fervent.

CLÉOPÂTRE
Peut-être... tu m'as plu... et tu me plais encore...

(Spakos va répondre, mais Cléopâtre

 
voit arriver Adamos; elle continue)
 

Ne parle pas... laisse-moi regarder.
Son corps est souple et fin...
il a des yeux de volupté!

(Spakos souffre. Danse lente et
langoureuse d'Adamos. Pendant la danse,
Cléopâtre observe avec sensualité)

Sa danse est langoureuse...
elle évoque les charmes de bonheurs
inconnus... de nouvelles délices...

SPAKOS
(suppliant)
Tais-toi...

CLÉOPÂTRE
(avec quelque impatience)
Tu troubles mon plaisir...

(Spakos penche la tête, muet et furieux)

AMNHÈS
(à Cléopâtre, après la danse d'Adamos)
Ai-je comblé tes voeux?

CLÉOPÂTRE
(montrant Adamos)
Oui... son nom?

AMNHÈS
Adamos...

(avec orgueil)

 

il est sans égal...
S'il dansait devant elle,
il ravirait Cléopâtre elle même!

CLÉOPÂTRE
Je le crois

(à Spakos)

 

... n'est-ce pas?

SPAKOS
(sombre)
Peut-être...

CLÉOPÂTRE
(à Amnhès, pendant qu'Adamos

se met à genoux devant elle)
Il faudra donc qu'il danse devant elle...

SPAKOS
(à Cléopâtre, suppliant et tout bas)
Ne me fais pas souffrir!

CLÉOPÂTRE
(Cléopâtre, montrant Adamos à

Spakos, avec admiration émue)
N'est-ce pas qu'il est beau?
Si la Reine d'Egypte voyait ce corps charmant
aux souplesses lascives...
Ces yeux baignés d'espoir...
cette lèvre où fleurit la pourpre du désir...
elle aimerait ce corps...
cette lèvre... ces yeux...

(à Spakos)

 

N'est-ce pas qu'il est beau?

SPAKOS
(qui n'a pu se maîtriser pendant les
paroles de Cléopâtre, se jette sur Adamos
et tente de l'étrangler brutalement en
l'écrasant contre une table)
Il est trop beau!

(Tous, en tumulte, poussent

 
des cris d'effroi et de colère)

CLÉOPÂTRE
(furieuse, haineuse)
Spakos... qu'as-tu fait?

SPAKOS
(brutal)
Je suis jaloux!

(Alors, Cléopâtre regarde Spakos; un
sourire erre sur les lèvres)


AMNHÈS
(criant)
Adamos... on l'a blessé!
La gloire de ma taverne!

LA FOULE
(criant)
Adamos... on l'a blessé! Adamos! Adamos!...
à mort les étrangers!
à mort! à mort! à mort!

(Pendant que l'on emmène Adamos
défaillant, la foule furieuse se retourne
contre Cléopâtre et Spakos)


SPAKOS
(attirant à lui Cléopâtre)
Viens! je te défendrai!

CLÉOPÂTRE
(dans ses bras)
Ah! tu m'aimes vraiment pour avoir fait cela!

(Cléopâtre et Spakos sont dans un coin.
Spakos couvre Cléopâtre de son corps)


AMNHÈS ET LA FOULE
(houleuse, terrible, les entourant, menaçante)
A mort les étrangers!

(Certains ont tiré leurs couteaux et d'autres

ont pris des sièges qu'ils brandissent. Spakos
retranché derrière une table s'apprête à se
défendre avec son poignard. Soudain
Cléopâtre se dégage de sa protection, fait us
pas en avant vers les hommes qui reculent,
et, d'un geste souverain, arrache sa coiffure
d'éphèbe; ses longs cheveux se déroulent sur
ses épaules)

CLÉOPÂTRE
Arrêtez!

SPAKOS

 
Tais-toi!

CLÉOPÂTRE
(poursuivant)
Reconnaissez votre Reine.

LA FOULE
(avec stupeur)
Cléopâtre...

CLÉOPÂTRE
Oui... Cléopâtre... qui venait se mêler
aux plaisirs de son peuple...

AMNHÈS
(tombant à genoux)
Pardonne-nous...

CLÉOPÂTRE
C'est bien!
Je croyais tout connaître...
avoir épuisé pour jamais les bonheurs
les plus fous!
Hélas! Je m'ennuyais...
En vain mes serviteurs, mes esclaves,
mes prêtres, essayaient d'amener
un sourire à mes lèvres!
Hélas! Je m'ennuyais!
Je m'ennuyais...

(changeant de ton)

 

Mais vous, dans votre bouge, vous avez fait pour
moi plus que tous ceux qui m'aiment!
Vous avez ajouté le crainte aux voluptés!
Sous l'aile de la mort,
la vie semble plus belle!

(caressant)

 

Et vous m'avez donné
quelques frissons nouveaux...
ah! ah! ah! ah! ah!
vous avez fait pour moi plus
que tous ceux qui m'aiment. Merci!

LA FOULE ET AMNHÈS
(reculant craintivement)
Cléopâtre! C'est Cléopâtre!

(La porte est ouvert. Charmion, la
suivante de Cléopâtre paraît suivie de
gardes et s'élance vers la Reine)


CLÉOPÂTRE
Charmion!

(Elle congédie aussitôt tous les assistants
qui disparaissent, sauf Spakos.
Les gardes restent près de la porte
ouverte; presque au dehors)


CHARMION
(à part, à Cléopâtre; Spakos, seul, écoute)
Je te cherchais, maîtresse.

CLÉOPÂTRE
(à Charmion)
Pourquoi viens-tu troubler mes jeux?

CHARMION
Il te faut retourner sur le champ au palais...

CLÉOPÂTRE
Au palais...

CHARMION
Une galère est arrivée de Rome...
et Marc-Antoine est de retour...

CLÉOPÂTRE, SPAKOS
Marc-Antoine!

CHARMION
Il t'attend... il te fait rechercher par la ville...
il veut te voir sur l'heure...
... je savais seul où pouvoir te trouver...
Et j'ai couru vers toi...

CLÉOPÂTRE
Je te suis...
 
(Charmion enveloppe rapidement Cléopâtre

dans un grand voile qu'elle a apporté, et sort.
La porte reste ouverte. Cléopâtre va
suivre Charmion, mais Spakos la retient)


SPAKOS
(anxieux)
Tu vas le retrouver?

(suppliant)


Ah! Ne fais pas cela!

CLÉOPÂTRE
(pour Spakos, seul)
Ne sais-tu pas qu'il y va de mon trône?

SPAKOS
Je t'aime! tu t'es donnée à moi...

(avec désespérance)

 

Je souffrirais trop... trop...
Tu n'iras pas! non! non!
Fais-moi plutôt mourir! tu n'iras pas ce soir...
te donner à un autre!

CLÉOPÂTRE
(luttant)
Spakos... obéis-moi...

SPAKOS
... te donner à un autre!
Je suis jaloux... je t'aime tant...
fais-moi plutôt mourir!
Tu n'iras pas! non! non!

CLÉOPÂTRE
(criant)
A moi!

(Des lutteurs paraissent ainsi qu'Ahmnhès
et s'élancent sur Spakos qu'ils maîtrisent)


Saisissez-le!

SPAKOS
Lâche! Cruelle!

CLÉOPÂTRE
(hautaine)
Des injures!

Oses-tu résister quand je t'ai dit: Je veux!

SPAKOS
(redoublant de fureur)
Lâche!

CLÉOPÂTRE
(avec un sourire cruel)
Allons! Insulte-moi!
Tes yeux sont bien plus beaux
quand la fureur t'affole!

(plus près de lui)

 

Redonne-moi tes yeux!

SPAKOS
Lâche!!

CLÉOPÂTRE
(encore plus près)
Peut-être un jour... mon regard voudrai-t-il...
te choisis... de nouveau... oui, peut-être
à nouveau... tu sauras mon amour!
Spakos, tu le vois bien...

(avec intention)

 

... il ne faut pas mourir... il ne faut pas mourir...

SPAKOS
(éperdu, est entraîné par les lutteurs hors
de la vue de Cléopâtre, qui le regarde
encore)
Ah!

CLÉOPÂTRE
(se disposant à sortir avec Charmion et
les gardes qui l'attendent à la porte)
Marc-Antoine!
Tu vas me retrouver heureuse et frémissante.
 
 

ACTE  TROISIÈME
 
 
Les Jardins de Cléopâtre

(Fête asiatique dans les jardins de Cléopâtre,
sous les terrasses; Marc-Antoine est étendu
mollement sur un lit de repos magnifique que
surplombe un velum; il a dépouillé le costume
romain et est somptueusement vêtu à l'oriental,
comme un roi asiatique. Cléopâtre est à côté de

lui, merveilleusement parée. Charmion est
debout derrière elle. De belles esclaves sont
étendues autour du lit de repos. Au fond, de côté,
une terrasse élevée à laquelle on accède par une
pente fleurie. Dans les diverses danses se
distinguent des Lydiennes, des Syriennes, des
Scythes, des Amazones et des Chaldéennes)
 
Ballet des syriennes
Ballet de Chaldéennes
Ballet de Amazones
 
(Les danses sont interrompues par Cléopâtre
qui s'est levée et a pris une coupe que lui
a tendu Charmion)


CLÉOPÂTRE
J'ai versé le poison dans cette coupe d'or.
Quiconque effleurera ses bords,
en la vidant boira la mort!
Mais à celui qui la prendra mon baiser
viendra répondre à son baiser!
Et j'offrirai mon doux regard...
oui, j'offrirai mon regard le plus tendre...
mon doux regard...
mon doux baiser le plus tendre!
O mes esclaves, parmi vous, en est-il un
qui m'aime et me désire assez,
pour vouloir se griser... d'une caresse?
O mes esclaves, parmi vous, en est-il un
qui m'aime et me désire assez?
Il connaîtra mon doux regard...
il connaîtra mon plus tendre baiser!

(des esclaves, hommes, tendent des bras

suppliants vers elle. Elle en choisit un)
 

Viens, toi...

(lui tendant la coupe)


Je suis la mort divine,... enchanteresse!

(L'esclaves va saisir la coupe, mais Marc-
Antoine la lui arrache, la jette et attire
à lui Cléopâtre, tandis que l'esclave recule

désespéré avec toutes les danseuses qui
l'entraînent dans le fond, où tous restent
massés un moment sans s'éloigner)

MARC-ANTOINE
O Cléopâtre! Charmeresse!
Cesse ces jeux cruels...
Je sais trop que pour toi l'on peut avoir
tous les courages... toutes les lâchetés...

CLÉOPÂTRE
Pourquoi donc toute audace
est-elle morte en toi!

MARC-ANTOINE
Que veux-tu dire?

CLÉOPÂTRE
La guerre est déclarée entre Rome et l'Egypte...
Octave réunit ses légions et sa flotte.
Nos soldats sous ces murs attendent
pour partir... nos vaisseaux dans le port
veulent mettre à la voile...
Cependant... tu hésites...
Pourquoi? que veux-tu donc?

MARC-ANTOINE
Il faudrait te quitter... je n'ose pas partir...

CLÉOPÂTRE
Si ta gloire l'ordonne...

MARC-ANTOINE
Mon amour s'y refuse!
J'ai trop souffert déjà loin de toi...
Ce Spakos.

CLÉOPÂTRE
(l'interrompant)
Ne parle pas de lui...

MARC-ANTOINE
Il se cache... il me craint... Tu l'as aimé?

CLÉOPÂTRE
(embarrassée)
Non! Non! C'était pour t'oublier...
toi-même épousais Octavie...
je te croyais perdu à jamais
pour mon coeur... mais tu es revenu...
tu m'as toute reprise...

(expressif)

 

... à ton premier regard, à ton premier baiser!

(Les danses rependront, sur un signe de
Charmion, pendant que Cléopâtre
s'abandonnera aux bras de Marc-Antoine)

Ballet de Lydiennes
Ballet de Scythes
 
(Un serviteur s'avance précédant Octavie, qui
tient un pan de sa palla-manteau relevé
au-dessus de sa tête et rabattu devant son
visage. Quand Octavie est devant Cléopâtre
est devant Cléopâtre et Marc-Antoine,
elle rejette le pan de son manteau)


MARC-ANTOINE
(avec effroi)
Octavie?

CLÉOPÂTRE
(surprise et méprisante)
Octavie!

(Sur un signe de Charmion tous sortent

en tumulte. Octavie, Cléopâtre et
Marc-Antoine restent seuls)

OCTAVIE
(sans vouloir regarder Cléopâtre)
Marc-Antoine, j'ai quitté Rome... devançant
en ces lieux le triumvir, mon frère...

MARC-ANTOINE
Que viens-tu faire ici?

OCTAVIE
(simplement)
Je ne viens pas en ennemie... je t'apporte la paix.

MARC-ANTOINE
La paix?

OCTAVIE
Oui... je veux éviter des luttes fratricides...

(expressif)

 

Sacrifie tes plaisirs aux devoirs de ta gloire...
suis-moi... reviens à Rome... et tout s'apaisera...

MARC-ANTOINE
Tu pouvais t'épargner une prière vaine.
J'ai mieux que toi le souci de ma gloire!
Elle n'est plus à Rome... elle est toute en Egypte...

OCTAVIE
Hélas!

(à Cléopâtre)

 

Ayez pitié! Laissez-moi vous parler...

(émue)


Par vous, j'ai tout perdu,
jusqu'à l'espoir lui-même...
J'accepte mes tourments...
En voyant vos beautés,
je comprends leur pouvoir.
Pourtant si vous l'aimez...
Ayez pitié de lui...
n'en faites pas une traître à son passé de gloire...
Montrez-lui le devoir qu'il dédaigne et méprise!
Ayez le douloureux courage d'obliger l'univers
à mieux vous admirer encore!
Sa renommée, vos lauriers, sa mémoire...
tout est entre vos mains!
Si vous l'aimez un peu... ayez pitié de lui!
ayez pitié de lui!

CLÉOPÂTRE
(à Marc-Antoine)
Octavie a raison...

MARC-ANTOINE
Que dis-tu?

CLÉOPÂTRE
Mon âme égalera le sienne.

MARC-ANTOINE
(avec fureur)
Te quitter... pour jamais... ah!
je comprends ta ruse... tu attends mon départ...
il te délivrerait...

(éclatant)

 

Que le monde romain

s'ensanglante et périsse!
que je sois traître à Rome,
à ma gloire, au devoir..
.j'accepte tout pour garder Cléopâtre.

OCTAVIE
Voilà ce qu'il est devenu!

CLÉOPÂTRE
Généreuse Octavie... mon effort reste vain...
Rends-m'en témoignage... au Sénat... à Octave...
Il est un Dieu plus fort que tous les dieux...
C'est celui...

(tendrement)

 

... que je sers... c'est l'amour triomphant...

OCTAVIE
(avec énergie)
Ah! ne l'insultez pas!
L'amour sublime et pur ignore la bassesse!
Il élève... ennoblit... et magnifie les âmes!
Mais quand il fait des lâches...
quand il rend l'homme vil...
Comme la bête même...
Ce n'est que le plaisir...
Non, ce n'est pas l'amour!
non, ce n'est pas l'amour...

CLÉOPÂTRE
(à Marc-Antoine)
Marc-Antoine... choisis... il en est temps encore...

MARC-ANTOINE
(dans un élan vers elle)
Cléopâtre!!

OCTAVIE
(désespérée)
Hélas!

CLÉOPÂTRE
(à Marc-Antoine)
J'éprouvais ton amour...
Je suis fière de lui.

(à Octavie)

 

Nous acceptons sans peur la lutte qui commence.

OCTAVIE
Dieux!

CLÉOPÂTRE
(à Marc-Antoine)
Réveille ton courage et donne le signal!

(fièrement)

 

Va combattre pour moi...

MARC-ANTOINE
(fièrement)
Triompher ou périr!

CLÉOPÂTRE
Si ton coeur me chérit!

MARC-ANTOINE
Mes soldats frémissants m'attendent...
et m'appellent!

CLÉOPÂTRE
Va! courage!
Va combattre pour moi,
si ton coeur me chérit allons!

MARC-ANTOINE
Oui, je cours à leurs côtés!
Je cours triompher avec eux! allons!

OCTAVIE
Dieux! prenez pitié de ma peine...
Ah! pitié de ma peine cruelle!
à jamais il est perdu!
Hélas! pitié! ah! pitié! ah!
pitié! pitié! ah!!

CLÉOPÂTRE
Marc-Antoine, Tes soldats t'appellent!
Va triompher avec eux... si ton coeur me chérit...
si ton coeur me chérit! oui, tu vas triompher,
triompher avec eux! avec eux!!

MARC-ANTOINE
Mes soldats m'appellent!
Et je cours triompher avec eux...
et mon coeur te chérit... et mon coeur te chérit!
oui, je vais triompher,
triompher avec eux! avec eux!!

(Marc-Antoine s'élance au dehors. Cléopâtre,

après un regard de triomphe à Octavie, monte
sur la terrasse suivie de Charmion et de ses
esclaves accourues au devant d'elle, Octavie
reste seule et désespérée) 
 
OCTAVIE
(seule)
Hélas! Tout est perdu!

(Spakos, qui est entré depuis un moment
et a observé Octavie, s'approche d'elle,
loin de la vue de Cléopâtre qui est sur la
terrasse)


SPAKOS
(à Octavie, qui l'écoute avec surprise)

 
Femme... ne pleure pas...
 
Cléopâtre est à moi...
 
et je veux la reprendre...
 
Femme, ne pleure pas...

L'ARMÉE
(au loin)
Triumvir... gloire à toi!

(L'armée paraît et commence à se masser
ou pied de la terrasse où se tiennent
Cléopâtre et ses femmes. Cléopâtre et ses

femmes, en chantant la gloire de
Marc-Antoine, jettent des fleurs sur l'armée)

CLÉOPÂTRE
(enivrée)
Donnez des fleurs, donnez des fleurs
toutes les fleurs du monde!

FEMMES, CHARMION
(avec les 1rs Sopranos)
Des fleurs! voici des fleurs!

CLÉOPÂTRE
Leur vol léger parfumera
nos adieux si tendres!

CHARMION, FEMMES
Des fleurs! voici des fleurs!

(Marc-Antoine paraît sur son char d'or
traîné par quatre chevaux blancs; il
s'arrête sous les paroles de Cléopâtre)


CLÉOPÂTRE
Voici! le beau vainqueur des victoires prochaines!

CHARMION, FEMMES
Voici le beau vainqueur!

MARC-ANTOINE
(à Cléopâtre, avec élan)
A toi ma vie! à toi ma joie!
et mes victoires prochaines!

CLÉOPÂTRE
(à Marc-Antoine)
A toi! ma vie! à toi ma joie
et les victoires prochaines!

A toi ces fleurs!
ô beau vainqueur!... gloire à toi!

L'ARMÉE
Gloire à toi, triumvir! Gloire à triumvir
Beau vainqueur des victoires prochaines!
gloire à toi!

MARC-ANTOINE
A toi ma gloire! à toi ma joie! à toi!

CHARMION, FEMMES
A toi ces fleurs! ô beau vainqueur!...
gloire à toi!

(Cléopâtre, Charmion et les Femmes jettent

des fleurs sur l'armée qui défile. Marc-Antoine,
sur son char, envoie un dernier adieu à
Cléopâtre. Les soldats agitent leurs armes
et poussent des cris de gloire)
 
 

ACTE  QUATRIÈME
 
 
La mort des amants
 
(La terrasse de l'hypogée. D'un côté l'entrée de
l'hypogée. Toutes les esclaves de Cléopâtre
sont massées à l'entrée du tombeau autour
d'un autel de pierre et s'activent à des

préparatifs funéraires. Tout au loin, la ville
d'Alexandrie blanche sous le grand ciel bleu,
à l'horizon, la mer très bleue. Cléopâtre est
allongée, seule, sur un lit de repos. Elle
interroge du regard l'immensité. Deux
esclaves morts sont étendus à ses pieds. Des
gardes près de l'hypogée. Spakos sombre et
silencieux est debout au fond, appuyé sur lance;
il regarde lui aussi à l'horizon. Charmion et les

suivantes sont près du lit de Cléopâtre)

CLÉOPÂTRE
(à Charmion et à ses suivantes)
Hâtez-vous d'accomplir les rites funéraires.
J'ai fait courir partout le bruit de mon trépas,
mais ma ruse peut-être découverte...
et je veux être prête à mourir aussitôt...

(après un silence, elle appelle

Spakos qui tourne la tête vers elle)

Spakos! As-tu suivant mon ordre, envoyé
des esclaves pour chercher Marc-Antoine?
et l'amener ici?

SPAKOS
Oui... Cléopâtre...

CLÉOPÂTRE
(après un silence)
Hélas! tout est perdu!
Actium!

(avec agitation)

 

... la défaite! la fuite! L'horrible souvenir!

CHARMION
(qui est près d'elle)
Mais... Marc-Antoine encor peut trouver
des soldats... venir à ton secours...

CLÉOPÂTRE
Le temps s'écoule... il ne vient pas...
Octave est partout la vainqueur...

(montrant les esclaves morts)


Deux fois déjà ses messagers funèbres ont payé
de leur vie les nouvelles de ses victoires...

(Une esclave paraît portant une corbeille
de fruits et de fleurs. Cléopâtre la voit)

Toi, quel nouveau malheur m'annonces-tu?

CHARMION
(désignant l'esclave qui s'est mise à
genoux tendant la corbeille)
Hélas! pour obéir à tes désirs cruels j'ai fait
cacher un aspic sous ces fruits...
sous ces fleurs...
Sa morsure donne une mort certaine!
Doucement, comme à la fin du jour...
la mort paisible et maternelle te bercera
entre ses bras pour un sommeil sans rêve...
un sommeil sans réveil!

CLÉOPÂTRE
(à une suivante)
Prends ce don précieux... pose-le sur l'autel...

CHARMION
(implorant)
O maîtresse pourquoi... pourquoi veux-tu mourir?
le triumvir Octave...

(La suivante a pris la corbeille des
mains de l'esclave qui la suit et va la
déposer sur l'autel)


CLÉOPÂTRE
Non... son âme est cruelle...
et son coeur implacable...
Je vois trop bien le destin qui m'attend...
des licteurs impudents mettraient
la main sur moi...
Je rendrais plus fameux le triomphe d'Octave...
les mains chargées d'entraves, nue,
les cheveux épars,

enchaînée à son char,
je serais la risée des populaces viles,
moi, ¡Cléopâtre... horreur!

SPAKOS
(qui s'est approché)
Je t'accompagnerai dans la tombe...
O maîtresse! mon amour t'y suivra!

CLÉOPÂTRE
(la face appuyée sur son poing)
Spakos! ne parle pas d'amour...

(Spakos douloureusement et se maîtrisant,

accompagne Charmion et les suivantes
jusqu'à l'hypogée dans lequel elles pénètrent
silencieusement. Spakos reste seul, près de
l'hypogée, abattu, et ne se retourne que sur
les derniers mots de Cléopâtre: «Ah! ne
viendra-t-il pas?» douloureusement songeuse
et pendant l'éloignement momentané de tous)

Sur ma terrasse je pense à lui...
Ah! ne viendra-t-il pas?

je l'attends... et je pleure!
Et dans mon coeur brisé,

loin de lui, c'est la mort!
ah! ne viendra-t-il pas?

SPAKOS
(se rapprochant)
Qu'espères-tu de lui?

CLÉOPÂTRE
Son pardon! Car c'est moi qui causai
sa défaite... cette fuite insensée...

SPAKOS
Ne pense plus à lui... que son sort
s'accomplisse... il ne peut rien pour toi
Vaincu... désespéré... il n'a plus de soldats...
son armée l'a trahi...
Marc-Antoine ne viendra pas!

(avec mépris)


Ce triumvir... ce romain... ce héros
ne doit songer qu'à fuir...
et qu'à sauver sa vie!

CLÉOPÂTRE
Hélas!

SPAKOS
(ému et énergique)
Seul, aux heures d'infortune je te suis fidèle...
Seul, tu m'as retrouvé
dans la tourmente affreuse.
Seul, je t'aide à porter le fardeau du malheur.
Seul, avec toi, je veux mourir!... je veux mourir!
Seul, je t'aime, ô Cléopâtre!

CLÉOPÂTRE
Tais-toi!

SPAKOS
(anxieux)
Cet homme... tu devais plier à ses caprices...
parce qu'il était grand...
qu'il avait le pouvoir?
Si tu l'attends encore c'est que tu crois...
qu'il pourrait te sauver...

(implorant)


Mais tu ne l'aimais pas? dis? tu ne l'aimais pas?

CLÉOPÂTRE
(dans un cri)
Je l'aime maintenant...

SPAKOS
(se reculant comme blessé)
Dieux! que dis-tu? que dis-tu?

CLÉOPÂTRE
(palpitante)
Tant qu'il était puissant, vainqueur et glorieux...
je n'avais pas compris que j'aimais
Marc-Antoine...
Dans le fond de mon âme, tout s'est éclairé...
et le remords m'accable!
Il doit pleurer... je l'aime... il est vaincu...
je l'aime... il souffre... je l'adore!

SPAKOS
Cléopâtre! pitié!

CLÉOPÂTRE
Ah! le revoir encore... le consoler... l'aimer!
l'aimer!!

SPAKOS
(d'abord avec une fureur concentrée)
Il est perdu pour toi... tu ne le verras plus!

CLÉOPÂTRE
Que dis-tu?

SPAKOS
(éclatant)
J'ai donné l'ordre à tous les messagers
de lui affirmer ton trépas...

CLÉOPÂTRE
Dieux!

SPAKOS
Ainsi que tous... il te croit morte...
et sans doute il a fui loin d'ici!

CLÉOPÂTRE
Ah!

SPAKOS
(avec âme)
Ta mort est à moi seul...
je ne veux pas d'un autre auprès de toi!

CLÉOPÂTRE
(dans un furieux mouvement de colère
arrache un poignard à la ceinture de
Spakos, et le frappe à la poitrine)
Misérable!!

SPAKOS
(chancelle et tombe sur

les genoux, près du lit repos)
Ah!!

CLÉOPÂTRE
(désespéré)
Pourquoi m'as-tu trompée?

SPAKOS
(haletant)
Pour... me venger... de lui...
parce que... je t'adore...

(avec un suprême effort)


... et que tu m'as aimé...

UN ESCLAVE
(accourant)
Maîtresse... Marc-Antoine... il vient!

CLÉOPÂTRE
(avec un cri de joie)
Ah!

SPAKOS
(avec un cri de rage)
Ah!

(Spakos se dresse effrayant; il tend les
bras vers Cléopâtre... et tout à coup
retombe en arrière)


CLÉOPÂTRE
(à elle-même; éperdue de bonheur et triomphante)
Le voir! je vais le voir!!

(avec fièvre, aux gardes et aux

esclaves qui son sortis de l'hypogée)

Qu'on emporte les corps des messagers funèbres!
qu'on ôte de ma vue...

(désignant Spakos)


... ce traître, ce maudit...

(On traîne les corps derrière le cortège
des suivantes qui sont accourues, venant
de l'hypogée, et qui sèment des fleurs
autour d'elles)
    

Semez partout les fleurs que j'avais réservées
pour mes derniers instants!

(à Charmion, accourue; avec ivresse)


... ah! je veux être belle, belle encor
pour le revoir!

(Charmion et les suivantes présentent à
Cléopâtre son miroir, la parent de bijoux,
mettent des fleurs à ses tempes, versent
sur ses mains des parfums)


Faites-moi belle! belle!

(Tout à coup Cléopâtre se dresse, elle a
aperçu Marc-Antoine au dehors)


Marc-Antoine!

(Marc-Antoine paraît,

 la poitrine sanglante)

MARC-ANTOINE
(apercevant Cléopâtre, dans un cri de joie)
Cléopâtre! vivante!

CLÉOPÂTRE
Il est blessé!

(On dépose Marc-Antoine sur le lit de repos.
Cléopâtre se jette à ses genoux, il l'attire
doucement à lui en lui prenant les mains.
Tous les assistants s'écartent en silence
et rentrent dans l'hypogée)


CLÉOPÂTRE
Marc-Antoine... qu'as-tu?

MARC-ANTOINE
(d'une voix altérée)
On m'a trompé!

Je croyais à ta mort...
et dès que j'ai vu ton tombeau...
dans mon désespoir, je me suis frappé...
pour ne pas te survivre!

CLÉOPÂTRE
Hélas! Hélas!

MARC-ANTOINE
Je voulais m'endormir à jamais près de toi...
Je venais triste et seul...
désespéré... Vaincu...

(avec un suprême effort)


Tu es vivante...
O joie! tu es vivante! vivante!
Consolé dans tes bras, heureux, heureux...
je mourrai...

CLÉOPÂTRE
(éplorée)
Marc-Antoine... pardon...

MARC-ANTOINE
... qu'ai-je à te pardonner?

CLÉOPÂTRE
Ton malheur et ta mort.

MARC-ANTOINE
(calme)
Je ne regrette rien...


(doucement)

... à tes côtés j'ai fait le rêve le plus beau...
Tes baisers m'ont payé
de toutes mes souffrances!
Tout s'oublie... tout s'efface!
Si j'ai perdu l'Empire...
j'ai régné sur ton âme!
Tout s'oublie... quand je vois en tes yeux
rayonner ta tendresse...

CLÉOPÂTRE
(tendrement)
Tu dis vrai... tu dis vrai...
mon amour répond à ton amour...

MARC-ANTOINE
Cléopâtre!

CLÉOPÂTRE
(lui montrant l'horizon)
Regarde l'horizon!
C'est le plus beau des soirs!
C'est l'heure la plus douce!

MARC-ANTOINE
C'est le plus beau des soirs!

CLÉOPÂTRE, MARC-ANTOINE
C'est l'heure la plus douce!
Sous l'aile de la mort
nos coeurs sont mieux unis!
Ah! bénis soient les Dieux
pour cette heure divine!

CLÉOPÂTRE
C'est le plus beau des soirs!

CLÉOPÂTRE, MARC-ANTOINE
C'est le plus beau des soirs!
le plus beau des soirs!!

MARC-ANTOINE
Cléopâtre!

(Long baiser dans lequel
Marc-Antoine expirera)


Ah!

(Cléopâtre sent que le corps du triumvir
fléchit entre ses bras. Elle a compris et

se dresse avec épouvante)

CLÉOPÂTRE
Le triumvir est mort!

(sanglotant sur le corps)


Marc-Antoine! Antoine!

(Charmion et toutes les femmes accourent

autour d'elle. Se dressant; avec effroi)

Il n'est plus!

(désespérée)

Je veux... je veux mourir!

(à Charmion, désignant la corbeille

avec une suprême agitation)

Donne-moi ce présent magnique,
le plus beau qu'on m'ait fait,
car c'est la délivrance!

(aux femmes qui sanglotent à genoux près

d'elle et la supplie de ne pas  accepter la mort)

Femmes... ne pleurez pas... adieu...

(avec désespoir)


mourir! je vais mourir...
ah! c'est affreux! mourir...

(Au loin les trompettes d'Octave; elle tressaille)

Voici les ennemis! et j'hésitais encore!

(Elle tombe sur le lit, et prend la corbeille.
Elle se fait piquer par l'aspic. Frémissant)

Ah!

(calme)


... tout est bien! une douce torpeur
envahit tout mon être...
je vais dormir du grand sommeil sans rêve!

(avec use surprise d'épouvante)


Grands Dieux!
quel est ce froid qui monte vers mon coeurs?
quel est ce froid qui envahit peu à peu
tous mes membres...
Est-ce la mort qui vient?
Mourir... c'est donc vrai?
Cléopâtre meurt...
Cléopâtre...
qui fut la joie et la tendresse...
elle qui adora la vie et le soleil!

(frissonnant)


J'ai froid! J'ai froid! ah! ce froid implacable...
Il monte de la terre... il me glace les tempes...
il gagne tout mon être! ah!
C'est affreux! mourir! mourir!
ne plus revoir la lumière et les fleurs...
moi qui fus l'amour... toute la volupté...
moi qui fus Cléopâtre!

(frémissant)


Mes yeux se voilent...

(se débattant contre la mort qui vient
avec ses visions funèbres)


... non... je ne veux pas... c'est un gouffre...
de l'ombre... ah! tout est noir...
J'ai froid... ah! j'ai froid... j'ai froid...

(tâchant d'étendre les mains vers
Marc-Antoine)


Antoine... Cléopâtre à jamais réunis!

(Elle tombe sur le corps du triumvir)
(Trompettes..)


UN VOIX
(crie)
Place à César!

(Octave paraît suivi de ses gardes. Il avance

rapidement, voit les deux cadavres enlacés.
Il a un mouvement de surprise et d'effroi; puis
il s'incline devant eux et, en se redressant, se
voile la face du pan de son manteau)

 

ACTO  PRIMERO


Campamento de Marco Antonio

(El campamento romano en Tarso, Asia Menor,
a orillas del río Cidno. A un lado la tienda de
Marco Antonio. Al fondo el río. Se ven aquí y allá,
otras tiendas de campaña. Marco Antonio,
rodeado de sus lugartenientes y las águilas
romanas, se encuentra en el umbral de su tienda.
Frente al triunviro romano están los embajadores
de los pueblos sometidos y tributarios.
Los esclavos están inclinados hacia el suelo,
con los brazos extendidos. Ante ellos están los
presentes traídos: cofres cincelados llenos de oro,
cestas, etc. Spakos, un poco apartado, con los
brazos cruzados en medio de un grupo de
esclavos egipcios arrodillado a sus pies
Los soldados romanos de pie
, montan guardia
fuera de la
tienda y detrás de los embajadores
y tributarios)


JEFES ROMANOS
EMBAJADORES, TRIBUTARIOS
¡Roma es grande
y su nombre brilla en todo el mundo!
Marco Antonio hace triunfar
sus águilas
y los pueblos de
l Asia, te suplican
¡oh
, vencedor! que aceptes sus tributos.
¡Gloria a ti, triunviro! ¡Gloria a
ti!
¡Gloria a ti, triunviro! ¡Gloria a
ti!
¡Gloria a
ti! ¡Gloria a ti, triunviro!
¡Roma es grande y brilla en todo el mundo!
 
(Suen
an trompetas en el exterior)

MARCO ANTONIO
(a los
embajadores y tributarios)
Recibo vuestro homenaje y os prometo la paz.
Sobre
vosotros,
la República extiende
sus brazos victoriosos.
Desde las columnas de Hércules hasta

las montañas de Asia, el sol radiante
sólo ilumina tierras romanas.
El triunviro Octavio triunfó en el occidente;
y yo, con mi victoria, ¡he sometido al oriente!
Mis tropas lo mantendrá sumiso por siempre.
¡Vencidos, obedeced,
pues Roma es la más poderosa
y su gloria brillará por siempre en el mundo!

JEFES ROMANOS, EMBAJADORES
¡Gloria a ti! ¡Gloria a ti, triunviro!
 
(Los esclavos se levantan y siguen a
los
tributarios llevando los presentes a la
tienda de Marco Antonio.
Los embajadores

se alejan. Sólo Spakos no se mueve.
Suenan trompetas)


MARCO ANTONIO
(a Spakos
, que permanece inmóvil)
Y tú, que eres el único que has venido
con las manos vacías,
¿de qué rey, de qué
pueblo vienes
a anunciar el sometimiento?

SPAKOS
(con calma)
¡No traigo presentes...
ni cofres llenos de oro!
¡Oh triunviro, sin embargo, te anuncio un tesoro
que vale más que las maravillas más raras
!
¡Cleopatra pronto se presentará ante ti!
Ella ya salió de Egipto...
y se acerca a Tarso...

MARCO ANTONIO
(con un gesto de orgullo)
¡Cleopatra!

(a sus lugartenientes)

Le he pedido que se someta.

(a Spakos)

¿
Y quién eres tú?

SPAKOS
Uno de sus libertos... que,
como todos
los hombres,
¡palidece y se estremece
cuando su mirada
me roza!

MARCO ANTONIO
(burlonamente)
Por haber ele
gido de tal embajador...
ella siguió mis órdenes...
viene como una esclava...

SPAKOS
(impasible)
¡La verás!

MARCO ANTONIO
(a sus lugartenientes)
Viene a suplicarme con el corazón
temeroso.

SPAKOS
(igualmente)
Tú la verás...

MARCO ANTONIO
La veré humillarse...
con su orgullo doblegado.

(altivo)

¡No soy César para que juegue conmigo!
¡Cortesana!

¡Cortesana de frente coronada!

(desdeñoso)
 
¡Ni ella misma sabe el número de amantes
que ha tenido entre sus amorosos brazos!
¡Ah! ¡Cleopatra, crees que podrás esclavizarme!
Y a preparas tus trucos y tus trampas voluptuosas.
¡Cortesana!

(concentrado)

¿
A qué amante que abandonas
para venir hoy aquí a someterte a mi ley?
¿
Qué besos han sido marchitados?
¡Cortesana!
¡Cortesana de frente coronada!

(altivamente)

¡Mantendré mi gloria y mi orgullo romanos...
¡Cleopatra! ¡No te tengo miedo!
¡Cortesana!
¡Ven! ¡Cortesana!

(Llega un primer cortejo de esclavas
griegas
con flores. Una de ellas camina
con los brazos cargados de rosas.
Los soldados romanos se aproximan

poco a poco y observan con curiosidad)

ESCLAVAS GRIEGAS
(todas sopranos)
Flu
id, fluid entre nuestros dedos,
cálices blancos.
¡V
olad, deslizaros, cálices blancos!
¡V
olad, cálices rosados!
¡Desl
izaros, volad!
¡Desl
izaros, volad, volad! ¡Volad! ¡Deslizaros!

MARCO ANTONIO
(señalando a la esclava que se arrodilla
ante él y derrama capullos de rosas a
sus pies)
Cleopatra... ¿es ella?

SPAKOS
De rodillas ante ti... Está una esclava
elegida entre las más perfectas.

MARCO ANTONIO
¿Qué dices?
¡Es muy hermosa!

SPAKOS
¡Es la más bella!
 
(Avanza un nuevo cortejo
. Son esclavas
egipcias, que llevan como presentes ricos
cofres, velos bordados en oro y plata.
Otras agitan incensarios. Una de ellas
avanza llevando en sus manos extendidas
un velo brillante y hermoso: el velo de
Cleopatra)

ESCLAVAS EGIPCIAS
(Todas contraltos)
Dígnate aceptar la canela y mirra.
Embriágate con las fragancias más raras.
¡Embriágate... con los perfumes!

MARCO ANTONIO
(a la que le presenta el velo de Cleopatra,
de rodillas delante de él)
Y tú... ¿quién eres?

CHARMION
¡Una esclava de Cleopatra apenas digna de
desatar los cordones de sus sandalias de oro!

MARCO ANTONIO
¿E
res una hechicera?
Sea como sea romperé sus sortilegios...
¡La veré!

SPAKOS
(a Marco Antonio)
¿Quieres verla
?...
En el esplendor del sol que se oculta,
mira como se acerca a lo lejos
la galera
dorada de velas carmesí.
¡Mira!
¡Aspira el perfume
que trae la brisa!

(muy expresivo)
 
¡Mira!
En medio de las ninfas... y las gracias...
inmóvil y radiante
.
¿Es una mujer? ¡No!
¡Es la misma Venus! ¡Es Venus - Cleopatra!
¡Los Placeres forman su séquito y como un
copo de nieve al que besa el sol, los corazones
de hielo se derriten bajo su mirada!

(En una exaltación de triunfo,
la galera de
Cleopatra llega a Cidno. La popa está
reluciente de oro, las velas de púrpura,
los remos están recubiertos de plata. El
puente está cubierto por un pabellón donde
brillan telas bordadas en oro. Cleopatra,
bajo una túnica transparente que deja
entrever el esplendor de su cuerpo, está
inmóvil entre sus esclavas vestidas como
ninfas. Antorchas perfumadas arden
alrededor de ella. De la galera baja de una
amplia escalera que se posa en la ribera. En
tierra, las esclavas extienden tapices para
hacerle un camino a Cleopatra)

¡Pueblos, adorad su sagrada belleza!
¡Adorad, adorad a Cleopatra!
¡Pueblos, ador
ad,
ador
ad, adorad, adorad, adorad!

MARCO ANTONIO
(extasiado)
¡Cleopatra!!

ESCLAVAS
¡Es la Venus Cleopatra!
¡Los Placeres forman su séquito!
¡Ah! ¡Ah!

JEFES ROMANOS
¡Es la Venus Cleopatra!
¡Los Placeres forman su séquito!
¡Es Venus!
¡Es la Venus Cleopatra!
¡Cleopatra! ¡Cleopatra!

CHARMION
(con seducción)
¡Cleopatra! ¡Cleopatra!

CLEOPATRA
(avanza hacia Marco Antonio,

ante quien se inclina)
He venido dejando mis palacios encantados...
He venido...
He abandonado el Egipto de cielos perfumados,
llenos de amor...
y bañados en ternura.
De terrazas en flor junto al Nilo
que parecen... robar al atardecer
la mirada de las estrellas... ¡
He venido!

(Muy melodiosa)


¡Oh Marco Antonio, oh señor!

¡Aquí estoy, aquí estoy ante ti, dispuesta
a servir
te como se sirve a un amo, a un dios!

MARCO ANTONIO
¿Eres, Cleopatra?

CLEOPATRA
Cleopatra ya no existe.

Sólo soy una mujer... cuyo secreto,
si tú lo deseas,
conocerás...

MARCO ANTONIO
¡No voy a ceder ante tu
s hechicerías!

(Con intención despectiva)


Yo no soy César.

CLEOPATRA
Sé que
tu corazón
es más fuerte que el suyo.
Vengo suplicante...

y sometida a los rigores de tu ley...
¿Por qué me tienes miedo?

MARCO ANTONIO
No temo nada... mi alma es altiva
y mi corazón
valeroso.

CLEOPATRA
(con calma y enigmática, espera,
observando
a Marco Antonio)
Yo ya lo sabía...

MARCO ANTONIO
(a los otros)
¡
Marcharos!
 

(Bajo la mirada de Cleopatra, Marco
Antonio, brutalmente, aparta con un

gesto a los que intentaban quedarse.
Todos se alejan. Sobre la galera inmóvil,
queda visible sólo una esclava que vigila.
Es el
atardecer dorado de un día

magnífico)

MARCO ANTONIO
¿Y bien?... ¿Qué quieres? ¡Habla!

(Cleopatra guarda silencio, inmóvil)


Guardas silencio... ¡ahora!
¿Es por engaño o por burla?
¿Creíste que al verte...
con un gesto tuyo, con una simple mirada...
yo iba a caer de rodillas ante ti?

(Él espera
, pero ella sigue impasible)

Eres hermosa. ¡Es verdad!
Ciertamente más bella de lo que

me había
imaginado en sueños...
El deseo... merodea a tu alrededor.

(con una falsa energía)


Pero yo, yo te conozco...

puedo desafiar tus ojos,
que son un hechizo...
¡y voy a alejarte de mi
avergonzada y despreciada!

(Ella no se inmuta; él se asombra de

que su violencia no la conmueva)

¿
Callas?... Siento tu mirada implacable
y perturbadora sobre mí.
¿Quién te crees que eres para atreverte
a mirarme a la cara cuando hablo?

(gira a su alrededor, como una bestia
salvaje que se estremece ante su
domador y no se atreve a atacarlo)


Sí... conoces tu fuerza...
sabes que eres hermosa...
tu carne es un mármol viv
iente...
tus ojos son
un abismo misterioso
de voluptuosidad...
¡Aparta tu mirada... agota mis fuerzas!
¡No te
permanezcas así... atenta...
al deseo que
ves nacer en mí! ¡Ah!

(como un loco)


¡Vete! ¡Vete!

(con una súplica y un estertor de amor)

 

¡No quiero amarte!
¡No quiero amarte! ¡
Ah!
¡Vete!
¡Vete!
 
(Ella le lanza una fugaz sonrisa)

CLEOPATRA
(Lentamente, expresiva y tierna)
Temía hallar a un conquistador...
Pero me encontré con Marco Antonio...
y yo soy su esclava...
 
(Sin un gesto va hacia él,
mirándolo y
fascinándolo)

MARCO ANTONIO
(en un arrebato enloquecido abraza
a Cleopatra; se besan largamente)
¡Ah!
 
(Llega la noche, azul, diáfana, todavía
manchada de rosa en algunos lugares.
Se oye una fanfarria de trompetas
y el
rumor de gente que
se acerca)


MARCO ANTONIO
(escuchando)
¿Quién se atreve a venir aquí?
 
(Ennio llega, seguido de una escolta

de
oficiales y soldados romanos)

ENNIO
(que trae un rollo de

pergamino
en sus manos)
Perdona, triunviro, si violé tu umbral...

(dándole el rollo)


Las órdenes son urgentes... vienen del Senado.

MARCO ANTONIO
¿Del Senado?

(Se acerca a un trípode que
acaban de
encender y desenrolla el pergamino; lo
lee, su rostro es iluminado por los reflejos
de la llama. Cleopatra, de pie, lo observa
con furia mal contenida)

¡Presentarme en Roma!
¿Se atreven a llamarme para justificarme...
para rendirles cuentas
?
¡Me ordenan... marchar... del campo de batalla!
¡Se han atrevido a hacerlo!

ENNIO
Nuestra galera espera...

MARCO ANTONIO
Está bien...

ENNIO
(Marco Antonio mira a
Cleopatra)
No temas, triunviro,
que Roma te trate como a un enemigo...
A tu regreso, Octavio pondrá en tus manos
la mano de su hermana Octavia.
 
(silencio)

MARCO ANTONIO
Tengo la intención de ser mi propio
amo...

ENNIO
Recuerde que el Senado
te llama y espera.

(Ennio sale con su escolta.
Marco Antonio reflexiona)


CLEOPATRA
(se acerca y le habla en voz baja)
Marco Antonio... entonces, adiós...

MARCO ANTONIO
(ansioso)
¿Quieres huir de mí?

CLEOPATRA
(apenada)
Tienes que marcharte mañana...
Vete... es tu destino... Yo voy a seguir el mío...
¡Oh, mi hermoso conquistador!

(Con fingida resignación)


¡Te vas!

MARCO ANTONIO
(Violento, desesperado)
¡No voy a irme!
¿Qué me importan Roma o el Senado...
cuando tu beso me espera?
Me olvido en tus brazos de mi propia gloria...
¡No voy a ir!

CLEOPATRA
(amorosamente)
Entonces huyamos los dos... sígueme.
Ven a Egipto, la tierra del placer
y la voluptuosidad...
Más adelante... si quieres... irás a Roma...

(apesadumbrada)


Más adelante... si quieres...
tomarás como esposa a Octavia...

MARCO ANTONIO
¡Cállate! ¡Cállate!

CLEOPATRA
(Felina, envolvente)
Pero yo te embriagaré con dulces caricias...
Te hechizaré con placeres tan profundos,
que desafiaré al destino que pueda
arrancarme de tu corazón y memoria...

MARCO ANTONIO
¡Cleopatra!

CLEOPATRA
¡Ven... mi galera está lista para zarpar...
para el viaje feliz...
bajo el cielo lleno de estrellas!

VOZ A LO LEJOS
Recojamos todos los besos...

CLEOPATRA
¡Ven! Es la noche del amor.

VOZ A LO LEJOS
El amor es el dueño del mundo...

CLEOPATRA
¡Ah, vamos! ¡Soy toda tuya!
 
(Cleopatra y Marco Antonio llegan a la
rampa de acceso a la galera. Cleopatra
se adelanta y sube a la cubierta)


MARCO ANTONIO
(Al oír los toques de trompeta, se

detiene, inquieto y turbado)
Esa llamada... mis soldados...

CLEOPATRA
(tiende sus brazos hacia él)
¡Marco Antonio!

MARCO ANTONIO
(se precipita, después de luchar

contra sí mismo por un instante)
¡Cleopatra!
 
(Ella eleva sus manos hacia las
estrellas
quedando ambos iluminados por la luna)

CLEOPATRA
Es la noche del amor...
 
(Los esclavos impulsan con sus remos

la galera que se aleja suavemente)

MUJERES A LO LEJOS
¡Recojamos todos los besos... los besos!
 
 

ACTO  SEGUNDO


Cuadro Primero

El matrimonio romano

(Estamos en Roma, en el atrio de la casa
de Marco Antonio, el día de su boda con
Octavia. Al fondo, la entrada del atrio; a
la derecha, la de la cámara nupcial. Grupos
de amigos ocupan el atrio; a la izquierda, un
grupo de oficiales entre los cuales está Severo.
Los esclavos adornan la casa con ramos y
flores, etc)

ENNIO
(al
esclavo de la puerta)
Esclavo, ¿dónde está Marco Antonio?

ESCLAVO
El aparecerá tan pronto

como la esposa llegue al umbral...

ENNIO
(Yendo hacia el grupo
de la izquierda)
Vengo a unir mis votos a los de sus amigos.

SEVERO
(viéndolo acercarse)
¡Ennio
! ¡Aquí de nuevo!

ENNIO
Sí, a
cabo de llegar de Egipto...

SEVERO
Donde le llevaste al triunviro
el nuevo requerimiento del Senado...

ENNIO
¡
Estaba sojuzgado por Cleopatra!

SEVERO
¿Cree
s que su regreso ha disipado su pasión?

ENNIO
Seis meses
se resistió a las órdenes del Senado...
¡Seis meses estuvo gozando de los placeres
;
esclavizado en Egipto
,
a los pies de Cleopatra!
¡La voluptuosidad lo aferraba

con cadenas de flores más fuertes que
las de hierro de los derrotados!
¡Pero por fin se liberó
y se  casa con Octavia!
Posee un alma es libre
y su corazón no tiene remordimientos.
 
(afuera se oyen los cantos nupciales
cada vez más
cercanos)

CORTEJO NUPCIAL
¡Himeneo! ¡Himeneo! ¡Himeneo!

ENNIO
¡Ah
, ya llega la joven esposa y su séquito!

CORTEJO NUPCIAL
¡Himeneo! ¡Himeneo! ¡Himeneo!

(Todos acompañan a este canto con un
golpear de palmas rítmico y cadencioso)


¡Ciñe tu frente con mejorana,
posa tu pie ligero
en la tierra que festeja este día!
¡Himeneo! ¡Himeneo!

 
(el cortejo se desplaza al fondo del atrio. Está
integrado por jóvenes de ambos sexos. Va
precedido por las cuatro deidades guardianas
del matrimonio. Los miembros del cortejo
llevan antorchas de madera de abeto. Aparece
Octavia que se detiene en el umbral del atrio.
Marco Antonio aparece en el umbral de la
cámara nupcial)

CORTEJO NUPCIAL
¡Ciñe tu frente con mejorana,
posa tu pie ligero
en la tierra que festeja este día!
¡Himeneo! ¡Himeneo!

 
(Octavia
permanece siempre velada)

MARCO ANTONIO
Tú que franqueas, velada, el umbral de mi casa,
virgen, ¿quién eres tú?

OCTAVIA
Si
lo deseas, seré tu fiel esposa

MARCO ANTONIO
¡Oh virgen, permíteme levantar
el velo que oculta su belleza
!

OCTAVIA
Obedezco
al deseo que acaricia tu alma.

MARCO ANTONIO
¡Permite que mi mirada se pose sobre tu rostro
y sobre esos ojos más frescos que las flores!

OCTAVIA
No tengo nada más que ofrecerte
que mi joven amor.
¡Te lo entrego!
¡Recibe mi juvenil ternura! ¡Oh, qué dulzura!

MARCO ANTONIO
¡Oh, qué dulzura!
¡Oh, qué ternura!
¡Oh, qué dulzura!
¡Esta es la casa para la que has sido elegida
entre todas las mujeres!

(a las compañeras de Octavia)

Gu
iadla hasta la alcoba
donde mi deseo la espera...
¡Prepar
ad su candor para los dichosos misterios!

CORTEJO NUPCIAL
¡Himeneo! ¡Himeneo!
 
(Las mujeres conducen a Octavia a la
cámara nupcial. El cortejo nupcial se
aleja. Marc
o Antonio se queda a solas
con sus oficiales)


SEVERO
(a Marco Antonio)
Triunviro, tu felicidad alegra a los que te aman.

MARCO ANTONIO
(a todos)
Si algo puedo hacer por
vosotros,
os lo concederé. ¡Habla... Severo!

SEVERO
¡
Sólo deseo combatir a tu lado!

MARCO ANTONIO
¡Roma y la República nos van a necesitar!

(mirando a Ennio)

Ennio... te creía lejos... ¿dónde estás
destinado?

ENNIO
En las legiones de Egipto...

MARCO ANTONIO
(con cierta emoción)
¿En Egipto?

ENNIO
Sí, triunviro, y vengo...

MARCO ANTONIO
¿Qué dicen mis soldados allí?

ENNIO
¡Sus deseos son como los míos!

MARCO ANTONIO
(después de alguna duda)
¿Y la reina?

(Ennio muestra sorpresa.
Marco Antonio
continúa)
 
Habla sin miedo...
Mi corazón se curó de su pasión...
pero quiero disfrutar de mi felicidad
sin el remordimiento...
de saber que alguien sufre y llora allá
.

ENNIO
(sutilmente)
¡Entonces... no te preocupes!
Cleopatra es dichosa...

MARCO ANTONIO
(Sorprendido y forzando una sonrisa)
¿Qué dices? ¿Puede serlo?

ENNIO
(sutilmente)
De los brazos de esa cortesana
,
un amante
pasa... y otro lo reemplaza...

MARCO ANTONIO
(conjeturando acompañado de una
especie de rugido de dolor y miedo)
¡Spakos! ¡Eso no puede ser cierto!

ENNIO
¡Juro por el cielo que es cierto!

MARCO ANTONIO
(con un gemido de desesperación)
¡Ah!

ENNIO
(Sorprendido de su furor)
Marco Antonio,
¿es una trampa que me has tendido? 

MARCO ANTONIO
(Recuperándose un poco)
¡No
, no! Creía ser más fuerte...
¡Ni una palabra más!

(alejándolos con un gesto)

¡D
ejadme... dejadme!

(Sus compañeros, tras un cruce de miradas
se alejan. Marco Antonio queda a solo)

¿Dijo la verdad? ¡Ah, qué despertar espantoso!
Quiero olvidar todo... ¡Olvidaré a esa mujer!

Pero ¿y si me hubiera engañado?
Ennio fue quien viajó a Egipto...
a traerme la orden del Senado...
¿Y si él fuera el instrumento
de mis enemigos?

(con desesperación)

¡Oh, dioses crueles, por qué me torturáis así!
¡Cleopatra!
Tengo miedo de los recuerdos qu se despiertan...
¿Tus besos responderían
a las caricias de otro hombre?
¿Entregarías tu cuerpo a un vil esclavo?
¡Ah, qué horrible pensamiento!
¡Qué horrible tortura!

(loco, jadeante; se lanza sobre el cofre
de Cleopatra que está en un mueble a
la izquierda, debajo de las imágenes
de los antepasados; estremecido)

Tus mensajes de amor...

¡Serían mentiras!

(desesperadamente)

¡Cleopatra!


(Abre el cofre y saca sutiles velos y cartas)

¡Ah! ¡Sus velos!...


(los aspira apasionadamente)

El aroma embriagador y sutil de tu cuerpo

permanece dormido...

(tomando los mensajes)

¡Oh! ¿Podrías mentir...

cuando escribiste estas líneas?

(leyendo con profunda emoción)

"Sola en mi angustia, ¡pienso en ti!

Y evoco una noche entre todas
¡Era la luminosa primavera!
¡Ay! Ya no estás aquí...
Te estoy esperando y lloro... y en mi corazón
herido, lejos de ti... ¡es invierno!
Solitaria en mi desesperanza, pienso en ti...
¡Pienso en ti!"

(para sí)

¡No! ¡No mentías cuando escribiste estas líneas!

¡No mentías!

(¡Viendo a Octavia se levanta,
y abandona las cartas)

¡Octavia!

OCTAVIA
(dulcemente)
Marco Antonio... ¿qué tienes?

MARCO ANTONIO
(Tratando de controlarse y
rechazándola)
Vete... déjame solo...

OCTAVIA
(Con sorpresa, angustiada)
¡Marco Antonio!...

MARCO ANTONIO
(vagamente)
Tengo miedo de mí... ¡Me estoy volviendo loco!...
¡Ah, no me reconozco!
No quiero mancillar tu candor y gracia...
No te puedo amar... yo...
¡tengo miedo de mí mismo!

OCTAVIA
¡Ah! Por piedad... cállate... cada palabra
causa una herida en mi alma que sangra...

(llorando se aferra a él)

Marco Antonio... ¡Piedad... piedad!
¡Temo adivinar!

MARCO ANTONIO
(torturado)
¡Ah, mira, si quieres,
en el fondo de mi alma!
¡Pensé que podría amarte...
y en tus castas miradas recomenzar mi vida!
Pero el pasado se presenta de repente ante mí...

¡Me abraza, me arrastra!

(Como perdido, desconcertado)


¡Me debato en vano! ¡El pasado me arrastra!

OCTAVIA
(De rodillas)
¡No! ¡no! Conocía tus tormentos... ¡ah!
deja que te quiera como una hermana...
pero no me rechaces... ¡ah! ¡por piedad! ¡ah!
Marco Antonio... te amo...
No me rechaces... por piedad...
¡Déjame estar a tu lado... a tu lado!

MARCO ANTONIO
(para sí, mientras Octavia habla,
él continúa ansioso, torturado)
¡Otro está en sus brazos!
¡Otro disfruta de sus besos...
y de su cuerpo adorado!
¡Ah, todo mi ser sufre!...
Sabré si me mentiste...
¡Voy a ir allí... allí... allí!

(decidido, a Octavia)


¡Partiré... iré a buscarla a Egipto!

OCTAVIA
(Más desesperada aún)
¿Te irás? ¡Ah, no... eso no!
¿Me abandonarás?

MARCO ANTONIO
(rechazándola)
¡Déjame, déjame!
Soy un réprobo...
¡Soy una bestia salvaje

que siembra a su paso el miedo y la muerte!
 
(Cae llorando sobre la mesa)

OCTAVIA
(dolorosamente herida)
¡Ay de mí! ¡Ay!

(Con profunda emoción)


¡Adiós, Marco Antonio!

(afligida, se retira)


Si el destino te golpea algún día...
Si necesitas un refugio o calmar tu sufrimiento...
Vuelve a mí... que te daré la bienvenida
sin ningún reproche.

(Con una dulzura que se

sobrepone a su amor herido)

¡Mi dolor te aguarda... sin esperanza!
 
(Las mujeres se han asomado al umbral
de la cámara. Desfalleciente, Octavia

cae en sus brazos. Ellas se la llevan
cerrando las puertas. Marco Antonio
levanta la cabeza y luego, sin poderse
contener, hurga en el cofre, toma el velo
de Cleopatra y, angustiado, lo huele
profundamente)

MARCO ANTONIO
(apasionadamente)

¡Oh, el perfume de tu carne!

Cuadro segundo

La taberna de Amnhès

(Gritos, aplausos en la taberna a telón

cerrado. Estamos en Alejandría, en el
populoso barrio de Nicópolis, en la
taberna Amnhès, donde los marineros
y soldados vienen a beber y a divertirse.
La puerta de entrada está al fondo.
Hombres y mujeres del más variado origen,
están sentados alrededor de las mesas o

acostados en esteras. En primer plano
están Cleopatra y Spakos, que va vestido
como un esclavo. Cleopatra, vestida como
una joven egipcia, con una túnica corta
que llega hasta las rodillas; luce un tocado
de tela, llamado de la Esfinge, que le
envuelve toda la cabeza, dejando sólo ver
su perfil. Amnhès, el patrón del local,
circula entre los asistentes y sirve de beber.
En el fondo, contorsionistas y malabaristas
realizan sus rutinas artísticas. Gritos,
aplausos y bailes. Cleopatra se muestra
indiferente y aburrida. Spakos la contempla
con pasión, mientras los músicos no cesan
de tocar)

LA MULTITUD
¡Ah! ¡Ah! ¡Ah! ¡Ah!
 
(Gritos y aplausos tumultuosos)

AMNHÈS
(Muy gentilmente, junto a Cleopatra y
Spakos; dirigiéndose a ella)
Y bien, joven extranjera... dime...
¿está satisfecha?

CLEOPATRA
(indiferente)
¿No tienes nada mejor que decir?

AMNHÈS
¡Por Isis, eres más difícil de conformar
que los viejos aburridos!

CLEOPATRA
(riendo)
Es que sin duda en mi juventud he probado
demasiada embriaguez y experimentado
demasiadas alegrías... ¡ah! ¡ah! ¡ah!

AMNHÈS
¡Te complaceré... o perderé mi gloria!
¿Quieres ver efebos bailando?
¡Uno de ellos, en especial, te encantará!
Alejandría no tiene nada mejor que ofrecer...

CLEOPATRA
(indiferente)
Hazlos bailar...

(Amnhès se aleja. Se escuchan rumores
generalizados de los asistentes que

solicitan más bebida, que es servida incluso
en la mesa de Cleopatra y Spakos; la calma
renace lentamente)

 
Spakos... no dices nada... ¿qué tienes?

SPAKOS
(En actitud de adoración)
¡Te estoy mirando!

CLEOPATRA
(burlona)
¿Y todavía te gusto?

SPAKOS
(con impaciencia)
¡Ah! ¡Calla... cállate!... ¡Por favor!

(vibrante y tierno)

 

Después que tus ojos se posaron en mí...
¡quedé admirado por la felicidad que me inunda!
¡Y no sabes hasta qué punto te amo!

CLEOPATRA
(coqueta)
¿Por qué te elegí?
¿Por qué te retuve?

SPAKOS
(ardiente)
Porque mi deseo es el más ferviente de todos.

CLEOPATRA
Tal vez... me gustaste... y me gustas todavía...

(Spakos va a responder pero Cleopatra,
viendo llegar a Adamos, continúa)


No hables... déjame ver.
Su cuerpo es suave y delicado...
¡Lleva la voluptuosidad en sus ojos!

(Spakos sufre. Adamos realiza una lenta

y voluptuosa danza. Durante el baile,
Cleopatra lo observa con sensualidad)

Su danza es voluptuosa...
evoca el encanto de los placeres desconocidos...
de nuevas delicias...

SPAKOS
(suplicante)
Cállate...

CLEOPATRA
(impaciente)
¿
Te turba mi placer?...
 
(Spakos baja la cabeza, furioso)

AMNHÈS
(a Cleopatra, después del baile de Adamos)
¿Satisfice tus deseos?

CLEOPATRA
(señalando a Adamos)
Sí... ¿su nombre?

AMNHÈS
Adamos...

(con orgullo)


Es inigualable... 
¡Si llegara a bailar delante de ella,
haría las delicias de la propia Cleopatra!

CLEOPATRA
Ya lo creo.

(a Spakos)


¿Verdad que sí?

SPAKOS

(sombríamente)
Tal vez...

CLEOPATRA
(a Amnhès
, mientras que Adamos
se pone de rodillas ante ella)
Entonces... tendrá que bailar ante ella.

SPAKOS
(a Cleopatra, suplicante y susurrando)
¡No me hagas sufrir!

CLEOPATRA
(Cleopatra, señalando a Adamos

con emotiva admiración)
¿No es hermoso?
Si la reina de Egipto viera ese cuerpo

encantador y lascivamente flexible...
Esos ojos llenos de esperanza...
esos labios donde florece la púrpura del deseo...
amaría ese cuerpo...
esos labios... esos ojos...

(a Spakos)


¿No es hermoso?

SPAKOS
(
Al no poder controlarse ante las
palabras de Cleopatra, se abalanza sobre
Adamos y trata de estrangularlo
brutalmente contra una mesa)
¡Es demasiado bello!
 
(se produce un tumulto, acompañado
de gritos de temor y de cólera)

CLEOPATRA
(furiosa, llena de odio)
Spakos... ¿qué
estás haciendo?

SPAKOS
(brutal)
¡Estoy celoso!
 
(Cleopatra mira a Spakos;
una sonrisa vaga aparece en sus labios)
 

AMNHÈS
(gritando)

¡Adamos... está herido!
¡La gloria de mi taberna!

LA MULTITUD
(gritando)
¡Adamos...
ha sido herido! ¡Adamos! ¡Adamos!...
¡Muerte a los extranjeros!
¡
Muerte! ¡Muerte! ¡Muerte!
 
(mientras se llevan desvanecido a
Adamos, la multitud furiosa se vuelve
contra Cleopatra y Spakos)

SPAKOS
(atrae a Cleopatra hacia él)
¡Ven! ¡Yo te defenderé!


CLEOPATRA
(en sus brazos)
¡Ah! ¡
Realmente me amas!
 
(Cleopatra y Spakos están en un rincón.
Spakos cubre con su cuerpo a Cleopatra)


AMNHÈS
, MULTITUD
(Rodeándolos con acritud)
¡Muerte a los extranjeros!
 
(Algunos sacan sus cuchillos y otros
toman y blanden las sillas. Spakos
atrincherado detrás de una mesa se
defiende con su daga. De repente,
Cleopatra sale tras de Spakos y
avanza hacia los hombres que
retroceden. Con un gesto soberano, se
quita el tocado de esfinge y el cabello
le
cae sobre los hombros) 
 
 
CLEOPATRA
 
¡Deteneos
 
 
SPAKOS
 
¡Cállate! 
 
 
CLEOPATRA
 
(prosigue altiva)
¡Reconoced a vuestra reina!
 
 LA MULTITUD
(asombrada)
¡Cleopatra!...

CLEOPATRA
Sí... Cleopatra... que vino a compartir
los placeres de su pueblo...

AMNHÈS
(cayendo de rodillas)
Perdónanos...

CLEOPATRA
¡Está bien!
Yo creía que lo había experimentado todo...
¡que se habían agotado

los placeres más salvajes!
¡Ay de mí! Me aburría...
¡En vano mis servidores, mis esclavos,
mis sacerdotes, trataban de lograr

que surgiera una sonrisa en mis labios!
¡Ay de mí! ¡Me aburría!
Me aburría...

(Cambiando de tono)
 
¡Pero
vosotros, en este tugurio,
habéis hecho por mí más que todos mis servidores!
¡Ha
béis añadido temor a los placeres!
¡Bajo el ala de la muerte,
la vida parece más hermosa!

(cariñosamente)


¡
Vosotros me babéis proporcionado
nuevas emociones
!...
¡ah! ¡ah! ¡ah! ¡ah! ¡ah!
ha
béis hecho por mí más que todos mis servidores!
¡Gracias!

MULTITUD Y AMNHÈS
(retrocediendo atemorizados)
¡Cleopatra! ¡Es Cleopatra!
 
(La puerta se abre. Charmion, una esclava
de Cleopatra aparece seguida por los
guardias y se precipita hacia la Reina)

CLEOPATRA
¡Charmion!
 
(
Cleopatra despide a todos los asistentes
que desaparecen, excepto Spakos.
Los guardias permanecen cerca de la
puerta abierta; del lado de fuera)


CHARMION
(a Cleopatra
)
Os estaba buscando, señora.

CLEOPATRA
(a Charmion)
¿Por qué vienes a perturbar mi diversión?

CHARMION
Debéis regresar inmediatamente a palacio...

CLEOPATRA
¿Al palacio?...

CHARMION
Una galera
acaba de llegar de Roma...
y Marco Antonio
viene en ella...

SPAKOS
, CLEOPATRA
¡Marco Antonio!

CHARMION
Os está esperando...
os ha hecho buscar por toda la ciudad...
Quiere veros de inmediato...
Sólo yo sabía dónde
os encontrabais...

CLEOPATRA
Te sigo...
 
(Charmion cubre rápidamente a Cleopatra
con un gran manto que ella trajo consigo,
y ambas se disponen a salir
cuando Spakos
retiene a Cleopatra)

SPAKOS
(ansioso)
¿Vas a reencontrarte con él?

(suplicante)

¡Ah! ¡No hagas eso!

CLEOPATRA
(a Spakos)
¿No sabes que mi trono está en juego?

SPAKOS
¡Te amo!
¡Te has entregado a mí!...

(con desesperación)

Sufro demasiado... demasiado...
¡No vas a ir! ¡no! ¡no!
¡Ante dame la muerte!
No vas a ir esta noche... ¡A entregarte a otro!

CLEOPATRA
(con firmeza)
Spakos... ¡obedéceme!...

SPAKOS
... ¡Entregarte a otro!
Estoy celoso... Te amo tanto...
¡Antes déjame morir!
¡No irás!
¡No! ¡No!

CLEOPATRA
(gritando)
¡A m
í!

(Los guardias
aparecen junto con Ahmnhès
y se lanzan sobre Spakos)


¡Apr
esadlo!

SPAKOS
¡Vil! ¡Cruel!

CLEOPATRA
(con altivez)
¿Me injurias?
¿Osas oponerte a mis deseos?

SPAKOS
(con furia redoblada)
¡Cobarde!

CLEOPATRA
(Con una sonrisa cruel)
¡Vamos! ¡Insultáme!
¡Tus ojos son más hermosos
cuando la furia te domina!

(Más cerca de él)


¡Mírame!

SPAKOS
¡Miserable!!

CLEOPATRA
(más cerca aún)
Quizás un día... mis ojos te buscarán de nuevo...
otra vez te elegiré... sí, tal vez de nuevo...
¡serás mi amor!
Spakos, bien lo sabes...

(con intención)


No debes morir... no debes morirte... 

SPAKOS
(desesperado, es llevado por los
soldados fuera de la vista de Cleopatra,
que lo sigue con su mirada)
¡Ah!

CLEOPATRA
(se dispone a salir con Charmion y los
guardias que esperan en la puerta)
¡Marco Antonio!
Me encontrarás dichosa y estremecida.
   



ACTO  TERCERO


Jardines del palacio de Cleopatra

(Fiesta en los jardines de Cleopatra,

bajo las terrazas, Marco Antonio está
tendido en un hermoso lecho bajo un
dosel. Va vestido con espléndidas ropas
orientales, como si fuera un rey asiático.
Cleopatra, a su lado, bellamente engalanada.
Charmion está de pie tras de ella. Hermosas
esclavas están tendidas alrededor del lecho.
Al fondo, una terraza elevada a la que se
accede por una pendiente de flores. Entre
las distintas danzas se distinguen la de Lidia,
la de los sirios, la de los escitas, de las
amazonas y los caldeos) 

Ballet de Esclavas sirias
Ballet de esclavas caldeas
Ballet de amazonas
 
(Los bailes son interrumpidos por Cleopatra,
que poniéndose de pie, toma una copa
que le alcanza Charmion)


CLEOPATRA
He vertido veneno en esta copa de oro.
¡Quien bese sus bordes
y la vacíe,
beberá la muerte!
¡Pero al que la tome
,
mi beso
vendrá a retribuir su beso!
Y voy a ofrecer mi más dulce mirada...
Sí, voy a ofrecer mi mirada más tierna...
mi dulce mirada...
¡mi beso más dulce y tierno!
¡Oh
, mis esclavos! ¿Hay entre vosotros,
alguien que me ame y me desee lo suficiente,
para querer embriagarse... con una caricia?
¡Oh
, mis esclavos! ¿Entre vosotros, hay alguno
que me am
e y me desee lo suficiente?
¡Le concederé mi dulce mirada...
él disfrutará de mi beso más tierno!

(Los esclavos tienden sus
brazos
suplicantes hacia ella, que elige a uno)

Ven tú...

(dándole la copa)


¡Soy la muerte divina... encantadora!

(El esclavo va a asir la copa, pero Marco
Antonio se la arrebata, la arroja lejos y
atrae hacia sí a Cleopatra, mientras que
el esclavo retrocede junto con todos los

bailarines que lo arrastran hacia el fondo,
donde todos permanecen sin moverse)

MARCO ANTONIO
¡Oh, Cleopatra! ¡Hechicera!
Termina con estos juegos crueles...
Yo sé muy bien que para ti pueden tener
mucho valor el coraje... y la cobardía...

CLEOPATRA
¿¡Por qué entonces

toda audacia ha muerto en ti!?

MARCO ANTONIO
¿Qué quieres decir?

CLEOPATRA
Se ha declarado la guerra entre Roma y Egipto...
Octavio ha reunido sus legiones y su flota.
Nuestros soldados, bajo estos muros,
esperan para marchar...
Y nuestros barcos en el puerto para navegar...
Sin embargo... tú vacilas...
¿Por qué? ¿Qué quieres?

MARCO ANTONIO
Tendría que dejarte... No me atrevo a partir...

CLEOPATRA
¡Tu gloria lo ordena!...

MARCO ANTONIO
¡Y mi amor lo rechaza!
Ya he sufrido demasiado por ti...
Ese Spakos.

CLEOPATRA
(interrumpiéndolo)
No hables de él...

MARCO ANTONIO
Se esconde... él me teme... ¿Lo amaste?

CLEOPATRA
(turbada)
¡No! ¡No! Fue para olvidarte...
Tú te ibas a casar con Octavia...
pensé que te había perdido para siempre,
pero has regresado...
has vuelto para amarme...

(expresiva)


¡En tu primera mirada, en tu primer beso!
 
(Los bailes se reanudan ante un gesto de
Charmion, mientras que Cleopatra se
abandona en los brazos de Marco Antonio)

Ballet de esclavas lidias
Ballet de esclavas escitas 

(Un sirviente avanza precediendo a
Octavia, que sostiene una parte de su
capa levantada cubriendo su cabeza y

plegada delante de su cara. Cuando
Octavia llega frente a Cleopatra y
Marco Antonio, se despoja de su capa)

MARCO ANTONIO
(con espanto)
¡Octavia!

CLEOPATRA
(Sorprendida y despectiva)
¡Octavia!
 
(A una señal de Charmion la fiesta cesa
y todos salen tumultuosamente.
Octavia,
Cleopatra y Marco Antonio quedan a solas)

OCTAVIA
(sin querer mirar a Cleopatra)
Marco Antonio, dejé Roma... y vine aquí
adelantándome a los triunviros y a mi hermano...

MARCO ANTONIO
¿
A qué has venido?

OCTAVIA
(sencillamente)
No vengo como una enemiga... Te traigo la paz.

MARCO ANTONIO
¿La paz?

OCTAVIA
Sí... quiero evitar luchas fratricidas...

(expresivamente)


Sacrifica tus placeres a los deberes de tu gloria...
 
sígueme... vuelve a Roma... y todo se calmará...

MARCO ANTONIO
P
uedes ahorrarte tu súplica infructuosa.
¡Yo, mejor que tú, me ocuparé de mi gloria!
Ella ya no está en Roma...
sino en Egipto...

OCTAVIA
¡Ay!

(a Cleopatra)


¡Ten piedad! Déjame hablarte...

(emotiva)


Por ti, lo he perdido todo,
incluso la propia esperanza...
Acepto mis penurias...
Al ver tu belleza,
comprendo tu poder.
Sin embargo, si lo amas...
ten piedad de él... no lo transformes
en un traidor a sus glorias pasadas...
¡
Señálale su deber que él desdeña y desprecia!
¡Ten el doloroso valor de forzar al universo
a admirarte aún m
ás!
Su fama, sus laureles, su memoria...
¡todo está en tus manos!
Si lo amas un poco... ¡ten piedad de él!
¡Ten piedad de él!

CLEOPATRA
(a Marco Antonio)
Octavia tiene razón...

MARCO ANTONIO
¿Qué dices?

CLEOPATRA
Mi alma igualará a la suya.

MARCO ANTONIO
(con furia)
Dejarte... para siempre... ¡ah!
Comprendo tu ardid... Tú esperas mi partida...
y así tendrás libertad...

(exultante)


¡Que el mundo romano

sea bañado en sangre y perezca!
Que yo sea un traidor a Roma,
a mi gloria
y a mi deber...
¡Acepto todo para conservar a Cleopatra!

OCTAVIA
¡Mir
a en lo que te has convertido!

CLEOPATRA
Generosa Octavia... mi esfuerzo es inútil...
Llévale mi testimonio al Senado... a Octavio...
Es a un
dios más fuerte que todos los dioses...
Es a
él a quien...

(con ternura)


... yo sirvo...
¡al Amor triunfante!

OCTAVIA
(con ímpetu)
¡Ah, no blasfemes!
¡El amor sublime y puro ignora la mezquindad!
¡Él eleva... ennoblece... y magnifica las almas!
Pero cuando transforma al hombre

en un cobarde... cuando lo vuelve vil...
semejante a las mismas bestias...
el amor sólo es diversión.
¡No, eso no es amor!
¡No, no es amor!...

CLEOPATRA
(a Marco Antonio)
Marco Antonio... elige... todavía estás a tiempo...

MARCO ANTONIO
(En un impulso hacia ella)
¡Cleopatra!

OCTAVIA
(desesperada)
¡Ay!

CLEOPATRA
(a Marco Antonio)
Experimenté tu amor...
Estoy orgullosa de él.

(a Octavia)


Aceptamos sin miedo que comience la lucha.

OCTAVIA
¡Dioses!

CLEOPATRA
(a Marco Antonio)
¡Despierta tu coraje y da la señal!

(orgullosa)


¡Ve a combatir por mí!... 

MARCO ANTONIO
(altivo)
¡Triunfar o perecer!

CLEOPATRA
¡Sí, tu corazón me ama!

MARCO ANTONIO
¡Mis soldados exultantes

me esperan... y me reclaman!

CLEOPATRA
¡Ve! ¡Coraje!
¡Ve a luchar por mí!
¡Sí, tu corazón me ama! ¡Ve!

MARCO ANTONIO
¡Sí, corro junto a ellos!
¡Corro a triunfar con ellos! ¡Vamos!

OCTAVIA
¡Dioses, tened compasión de mi dolor!...
¡Ah, piedad de mi cruel pesar!
¡Él se perderá para siempre!
¡Ay! ¡Piedad! ¡Ah! ¡Piedad ¡Ah!
¡Piedad! ¡Piedad! ¡Ah!!

CLEOPATRA
¡Marco Antonio, tus soldados te llaman!
¡Ve a triunfar con ellos... si tu corazón me ama...
si tu corazón me ama! ¡Sí, ve a triunfar,
a triunfar con ellos! ¡Con ellos!

MARCO ANTONIO
¡Mis soldados me llaman!
¡Y corro a triunfar con ellos...
y mi corazón te ama... mi corazón te ama!
¡Sí, voy a triunfar, a triunfar con ellos!
¡Con ellos!
 
(Marco Antonio se precipita fuera.
Cleopatra, después de lanzar una mirada
de triunfo a Octavia, sube a la terraza,
seguida por Charmion y sus esclavos.
Octavia queda sola y desesperada)


OCTAVIA
(a solas)
¡Ay! ¡Todo está perdido!

(Spakos, que entró poco después y
observó a Octavia, se acerca a ella, fuera
de la vista de Cleopatra que está en la
terraza)

SPAKOS
(a Octavia, que lo escucha sorprendida)
Mujer... no llores...
Cleopatra es mía...
y yo quiero recuperarla...
Mujer, no llores...

LOS SOLDADOS
(a lo lejos)
¡Triunviro... gloria a ti!
 
(Las tropas aparecen y comienzan a
congregarse al pie de la terraza donde
está Cleopatra y sus damas.
Cleopatra
y las mujeres cantan la gloria de Marco
Antonio, y arrojan flores a los soldados)

CLEOPATRA
(embelesada)
¡Arr
ojémosles flores, arrojémosles flores,
todas las flores del mundo!

MUJERES
, CHARMION
(Las primeras sopranos)
¡Flores! ¡
Flores!

CLEOPATRA
¡Su vuelo ligero perfumará

nuestra tierna despedida!

CHARMION
, MUJERES
¡Flores! ¡Flores!
 
(Marco Antonio aparece en su carro de
oro tirado por cuatro caballos blancos,
se detiene ante la voz de Cleopatra)

CLEOPATRA
¡He aquí
al apuesto vencedor de la próxima batalla!

CHARMION
, MUJERES
¡He aquí al apuesto vencedor!

MARCO ANTONIO
(a Cleopatra, con un impulso)
¡Para ti mi vida
, mi alegría
y mis futuras victorias!

CLEOPATRA
(a Marco Antonio)
¡Tuya! ¡
Para ti mi vida!
¡Tuya será mi dicha y las próximas victorias!
¡Para ti estas flores!
¡Oh,
apuesto vencedor!... ¡Gloria a ti!

SOLDADOS
¡Gloria a ti, triunviro! Gloria al Triunviro
¡Gran vencedor de las próximas victorias!
¡Gloria a Ti!

MARCO ANTONIO
¡Para ti mi gloria! ¡A ti mi alegría! ¡A ti!

CHARMION, MUJERES
¡Para ti estas flores! ¡Oh, apuesto vencedor!...
¡Gloria a ti!
 
(Cleopatra, Charmion y las mujeres
arrojan flores al ejército que desfila.
Marco Antonio, en su carro, envía un
último adiós a Cleopatra. Los soldados

agitan sus armas y lanzan gritos de gloria)
 
 
 

ACTO  CUARTO
 

 
La muerte de los amantes
 
(La terraza de la tumba.
Los esclavos de
Cleopatra congregados en la entrada del
hipogeo en torno a un altar de piedra, están
ocupados con los preparativos del funeral. A
lo lejos, la ciudad de Alejandría blanca bajo
el cielo azul
; en el horizonte, el mar muy azul.
Cleopatra se ha quedado sola en una litera.
Con su mirada escruta la inmensidad.
Dos esclavos muertos están tendidos a sus pies.
Guardias cerca del hipogeo.
Spakos sombrío y

silencioso está de pie en el fondo, apoyado
sobre una lanza. También él observa el
horizonte. Charmion y los sirvientes están
alrededor de la litera de Cleopatra)

CLEOPATRA
(a Charmion y sus sirvientes)
Apres
uraros a cumplir los ritos funerarios.
Hice correr por todos lados el rumor de mi muerte,
pero mi ardid quizá sea descubierto...
y quiero estar dispuesta a morir de inmediato...

(Después de una pausa, ella llama a
Spakos que gira la cabeza hacia ella)


¡Spakos!

¿Has cumplido mis órdenes de enviar esclavos
a Marco Antonio para que lo traigan aquí?

SPAKOS
Sí... Cleopatra...

CLEOPATRA
(Después de una pausa)
¡Ay
, todo está perdido!
¡Ac
tium!

(Con agitación)


¡
La derrota! ¡La fuga! ¡Qué horrible recuerdo!

CHARMION
(junto a ella)
Pero... Marco Antonio aún puede
encontrar soldados... y venir en tu ayuda...

CLEOPATRA
El tiempo pasa... él no viene...
Octavio ha triunfado en todos los frentes...
 
(señalando a los esclavos muertos)


Dos veces ya
, sus mensajeros fúnebres han
pagado con sus vidas la noticia de sus victorias...

(Una esclava aparece
llevando una cesta
de frutas y flores. Cleopatra la ve)


Tú ¿qué nueva desgracia me vienes a anunciar?

CHARMION
(señalando a la esclava que está de
rodillas sosteniendo la canasta)
¡Ay! para obedecer tus crueles deseos
hice ocultar un áspid entre esas frutas...
bajo esas flores...
¡Su mordedura provoca una muerte segura!
Dulcemente, como al finalizar el día...
la muerte apacible y maternal te mecerá
en sus brazos para un sueño sin sueños...
¡un sueño sin despertar!

CLEOPATRA
(a un servidor)
Toma ese precioso don... ponlo sobre el altar...

CHARMION
(implorando)
¿Oh señora
, por qué?... ¿Por qué quieres morir?
El triunviro Octavio...
 
(El sirviente toma el cesto de manos de

la esclava que lo trajo y lo coloca sobre
el altar)

 
 CLEOPATRA
No... su alma es cruel...
y su corazón implacable...
Sé muy bien el destino que me espera...
ctores insolentes pondrán
sus manos sobre mí...
Yo haría más
vistoso el triunfo de Octavio...
Mis manos cargadas de cadenas, desnuda,
mis cabellos despeinados, encadenada a su
carro triunfal,

sería el hazmerreír del vil populacho,
¡Yo, Cleopatra... qué horror!

SPAKOS
(que se le acerca)
Voy a ir contigo a la tumba... ¡Oh
, mi señora!
¡
Mi amor te seguirá hasta allí!

CLEOPATRA
(con el rostro apoyado en su puño)
¡Spakos! No hables de amor...
 
(Spakos, atormentado, se controla y
acompaña a Charmion y a los sirvientes
hasta el hipogeo en el que penetran
silenciosamente. Spakos permanece

solo, abatido, reflexiona sobre las últimas
palabras de Cleopatra: «¡Ah! ¿Él no

vendrá?» quedando apesadumbrado y
pensativo)

En este momento pienso en él...
¡Ah! ¿Ya no vendrá?

¡Yo lo espero... y lloro!
¡Y en mi corazón quebrado,

lejos de él, está la muerte! ¡ah!
¿Él ya no regresará?

SPAKOS
(acercándose)
¿Qué esperas de él?

CLEOPATRA
¡Su perdón! Porque soy yo la causa
de su derrota... fue una insensatez...

SPAKOS
No pienses en él... que se cumpla su destino...

Él ya no te puede ayudar.
Vencido... desesperado... sin soldados...
su ejército lo ha traicionado...
¡Marco Antonio ya no vendrá!

(con desprecio)


Ese triunviro... ese romano, ese héroe
debe estar pensando solamente de huir...
¡para salvar su vida!

CLEOPATRA
¡Ay de mí!

SPAKOS
(Emocionado y enérgico)
Sólo en las horas de desgracia yo te soy fiel...
Tú me encuentras en medio de la terrible tormenta.
Sólo yo te ayudo a llevar la carga de la desgracia.
¡Sólo contigo, yo quiero morir!...

¡Quiero morir!
¡Sólo yo, te amo, oh Cleopatra!

CLEOPATRA
¡Cállate!

SPAKOS
(ansioso)
Ese hombre... al que tuviste que plegarte
a sus caprichos...
¿Acaso él era grande... él tenía poder?
Si todavía lo esperas...

¿es porque piensas que podría salvarte?...

(suplicando)


Pero, tú no lo amas... dime ¿lo amas?

CLEOPATRA
(gritando)
¡Lo amo!...

SPAKOS
(retrocede como herido)
¡Dioses! ¿Qué dices? ¿Qué dices?

CLEOPATRA
(palpitante)
Mientras él era poderoso, victorioso y glorioso...
No me había dado cuenta de que amaba
a Marco Antonio...
¡Mi alma se ha iluminado...
y el remordimiento me abruma!
Él sufre... lo amo... fue derrotado...
Lo amo... él sufre... ¡Yo lo adoro!

SPAKOS
¡Cleopatra! ¡Por piedad!

CLEOPATRA
¡Ah! ¡Volver a verlo!... ¡Consolarlo!...

¡Amarlo! ¡Amarlo!!

SPAKOS
(al borde de un ataque de furia)
¡Él se ha perdido... no lo verás más!

CLEOPATRA
¿Qué dices?
 

SPAKOS
(soberbio)
Le ordené a todos mis mensajeros
que le
dijeran que tú habías muerto...

CLEOPATRA
¡Dioses!

SPAKOS
¡Así es... él piensa que estás muerta...
y sin duda ha huido lejos de aquí!

CLEOPATRA
¡Ah!

SPAKOS
(con sentimiento)
¡Tu muerte es la mía!...
¡Yo no quiero a nadie más que a ti!

CLEOPATRA
(En un ataque de furia arrebata una

daga de la cintura de Spakos, y lo
hiere mortalmente en el pecho)
¡Miserable!

SPAKOS
(Se tambalea y cae de

rodillas junto a la litera)
¡Ah!

CLEOPATRA
(desesperada)
¿Por qué me has engañado?

SPAKOS
(expirando)
Por... venganza... hacia él...
porque... te adoro...

(con gran esfuerzo)

... y porque tú me has amado...

UN ESCLAVO
(acude presuroso)
¡Señora... Marco Antonio... viene!

CLEOPATRA
(con un grito de alegría)
¡Ah!

SPAKOS
(con un último grito de rabia)
¡Ah!
 
(Spakos se levanta aterrado, extiende sus
brazos hacia Cleopatra... y de pronto cae
de nuevo)


CLEOPATRA
(Para sí, colmada de felicidad
y triunfante)
¡Lo veré! ¡Voy a verlo!

(Con pasión, a los guardias y sus
esclavos que salen de la tumba)


¡Que se lleven los cuerpos de los mensajeros!

¡Quitadlos de mi vista...

(señalando a Spakos)


... y a ese traidor, a ese maldito también...

(los cuerpos son arrastrados por

los sirvientes que acuden desde el
hipogeo, y siembran flores a su
alrededor)

¡Esparcid las flores que había reservado
para mis últimos momentos!

(a Charmion, presurosa y excitada)

 
.¡Ah! ¡Quiero estar bella, más bella aún,
para verlo de nuevo!

(Charmion y los sirvientes le presentan a
Cleopatra un espejo y joyas
; le ponen
flores en las sienes y vierten en sus manos
perfumes)

¡Ponedme hermosa! ¡Hermosa!

(De repente
, Cleopatra se detiene,
pues ha visto a Marco Antonio afuera)


¡Marco Antonio!
 
(Marco Antonio aparece,

con el pecho ensangrentado)

MARCO ANTONIO
(Viendo a Cleopatra, lanza un grito
de alegría)
¡Cleopatra! ¡Vive!

CLEOPATRA
¡
Estás herido!
 
(Marco Antonio se acuesta en la litera.
Cleopatra cae de rodillas, él
dulcemente
la induce a tomar sus manos.
Todos los

asistentes salen en silencio y vuelven a
entrar en el hipogeo)

CLEOPATRA
Marco Antonio...
¿qué tienes?

MARCO ANTONIO
(con voz alterada)
¡Me he equivocado!

Creí en tu muerte...
y en cuanto vi tu tumba...
en mi desesperación, me herí de muerte...
¡para no sobrevivirte!

CLEOPATRA
¡Ay! ¡Ay!

MARCO ANTONIO
Quise dormir para siempre a tu lado...
Estaba triste y solitario...
desesperado... vencido...

(Con un supremo esfuerzo)


¡Estás viva!...  
¡Oh qué alegría! ¡
Estás viva! ¡Viva!
Consolado en tus brazos, feliz, feliz...
morir
é...

CLEOPATRA
(llorosa)
Marco Antonio... perdóname...

MARCO ANTONIO
¿Qué tengo que perdonarte?

CLEOPATRA
Tu desgracia y tu muerte.

MARCO ANTONIO
(con calma)
No me arrepiento de nada...

(dulcemente)


A tu lado viví mi sueño más hermoso...
¡Tus besos compensaron
todos mis sufrimientos!
¡Todo se olvida... todo desaparece!
¡Si he perdido el
Imperio...
he reinado en tu alma!
Todo se olvida... cuando veo tus ojos
que irradian amor...

CLEOPATRA
(con ternura)
Tienes razón... tienes razón...
mi amor responde a tu amor...

MARCO ANTONIO
¡Cleopatra!

CLEOPATRA
(señalando al horizonte)
¡Mira el horizonte!
¡Es el más hermoso atardecer!
¡Es la hora más dulce!

MARCO ANTONIO
¡Es el más hermoso atardecer!

CLEOPATRA
, MARCO ANTONIO
¡Este es el momento más dulce!
¡Bajo el ala de la muerte
estarán más unidos nuestros corazones!
¡Ah
, benditos sean los dioses
por esta hora divina!

CLEOPATRA
¡Es el más hermoso atardecer!

CLEOPATRA, MARCO ANTONIO
¡Es el más hermoso atardecer!
¡El más hermoso atardecer!!

MARCO ANTONIO
¡Cleopatra!

(se besan prolongadamente

mientras Marco Antonio expira)

¡Ah!
 
(Cleopatra
nota que el cuerpo del triunviro
se abandona en sus brazos. Ella comprende
que ha muerto y se aparta con horror)

CLEOPATRA
¡El triunviro está muerto!

(Sollozando sobre el cuerpo)


¡Marco Antonio! ¡Antonio!

(Charmion y todas las

mujeres acuden presurosas)

¡Ya no vive!

(desesperada)


¡Quiero... quiero morir!

(a Charmion, señalándole la cesta

con una suprema agitación)

¡Dame ese magnífico regalo,
el mejor que he recibido,
pues en él está la liberación!

(Las mujeres sollozan de rodillas
a su
lado y le piden que no acepte morir)

Mujeres... no llor
éis... adiós...

(desesperadamente)


¡Morir! Voy a morir...
 
¡
Ah, es horroroso morir!...

(
escuchan a lo lejos las trompetas de Octavio)

¡He ahí a los enemigos! ¿Y todavía dudo?

(se recuesta en la litera y toma
ndo la
cesta, hace que un áspid la muerda)

¡Ah!

(con calma)


¡Todo está bien!
Un dulce sopor invade todo mi ser...
¡voy a dormir el gran sueño sin retorno!

(con un gesto de terror)


¡Grandes
dioses!
¿
Qué es este frío que sube a mi corazón?
¿
Qué es este frío que invade poco a poco
todos
mis miembros?...
¿Se aproxima la muerte?
Morir...
¿es entonces verdad?
¡Cleopatra muerta!...
¡Cleopatra...
quien fuera toda alegría y ternura...
¡Ella que adoraba la vida y el sol!

(estremeciéndose)


¡Tengo frío! ¡Tengo frío! ¡
Ah, un frío implacable!...
Se eleva desde la tierra... congela mis sentidos...
invad
iendo todo mi ser... ¡Ah!
¡Es espantoso! ¡
Morir! ¡Morir!
Nunca volver a ver la luz y las flores...
Yo, que fui el amor... toda la voluptuosidad...
¡Yo, que fui Cleopatra!

(estremeciéndose)


Mis ojos se nublan...

(lucha contra la muerte que

llega con visiones fúnebres)

... No.... no quiero... es un abismo...
Las sombras... ¡ah! todo es negro...
¡Tengo frío... ah! Tengo frío... Tengo frío...

(Tratando de extender sus

manos hacia Marco Antonio)

¡Antonio... y Cleopatra siempre juntos!

(Ella cae sobre el cuerpo del triunviro
.
Se oyen el sonar de trompetas)


UNA VOZ
(gritando
, fuera de escena)
¡Abrid paso al César!

(Octavio aparece seguido por sus guardias
y al ver los dos cuerpos entrelazados, hace
un gesto de sorpresa y de espanto. Se inclina
ante ellos y luego irguiéndose, se cubre el
rostro con su capa) 



Digitalizado y traducido por:
José Luis Roviaro 2020