MIRELLA

 

Personajes

RAMÓN

MIRELLA

VINCENT

VINCENETTE

AMBROSIO

TAVEN

CLEMENCE                        

OURRIRAS

Rico Hacendado

          Hija de Ramón          

Humilde Artesano

Hermana de Vincent

Padre de Vincent y Vincenette

Hechicera

Amiga de Mirella

Enamorado de Mirella

    Bajo 

                                  Soprano

Tenor

Soprano

Bajo

Mezzosoprano

Soprano

Barítono

 

 

La acción se desarrolla en Arlés y sus alrededores, Francia, a mediados del siglo XIX.

 

ACTE I


Scène 1 

JEUNES FILLES ARLESIENNES
Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants!
Comme les vertes sauterelles,
Au soleil, dans l'herbe des champs.
Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants!,
Fillettes rieuses
Et laborieuses,
Un rayon d'été
Nous met en gaîté!
Nous sommes pareilles
Aux blondes abeilles,
Dont l'essaim léger
Sur les fleurs vermeilles
Aime à voltiger!
Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants!
Comme les vertes sauterelles,
Au soleil, dans l'herbe des champs,
Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants!

(Elles remplissent leurs corbeilles de feuilles 
de mûriers. Entre Taven la sorcière.)

Scène 2 

TAVEN 
(s'arrêtant au fond, appuyée sur son bâton)
Ecoutez-les chanter et rire,
Ces fillettes au coeur joyeux!
Elles ne savent pas qu'un charme les attire
Au piège du chasseur, comme l'oiseau des cieux;
Et qu'un jour vient où l'on soupire
Avec des larmes dans les, yeux!
Ecoutez-les chanter et rire,
Ces fillettes au cœur joyeux!

CLEMENCE ET LES JEUNES FILLES 
(riant)
C'est Taven la sorcière
Avec son aiguillon,
Et son vieux cotillon,
Plus gris que la poussière!
C'est Taven la sorcière
Avec son aiguillon!
Dans notre humble sillon
Elle a jeté sa pierre!
C'est Taven la sorcière 
Avec son aiguillon!

QUELQUES FILLES
Qu'il vienne, le chasseur!... 
moi, je ris de son piège.

AUTRES FILLES
Le vert printemps ne craint 
ni le froid ni la neige!

QUELQUES FILLES
L'oiseau maître de l'air 
échappe aux oiseleurs!

AUTRES FILLES
Nos chansons feront fuir 
les soucis et les pleurs!

(Taven va s'asseoir à l'écart, hochant la tête d'un
air de doute.)

CLEMENCE
Moi, si par aventure,
Quelque prince, amoureux venait m'offrir sa main,
Jeune, galant, bien fait et de noble stature,
Je me ferais conduire au palais, dès demain!
Impératrice et souveraine,
Avec un long manteau, qui traîne,
Doublé d'hermine et brodé d'or,
Parmi vous, j'en ris à l'avance,
Je reviendrais pour voir encor,
Mon pays de Provence!

(Mireille entre en scène, une corbeille à la main.
Elle s'avance en souriant au milieu du groupe 
des jeunes filles)

Scène 3 

MIREILLE
Et moi, si, par hasard, quelque jeune garçon,
Fût-il pauvre et timide et honteux de lui-même,
Me disait doucement: Mireille, je vous aime!
J'écouterais mon coeur plutôt que ma raison;
Et sans souci des rires ni du blâme,
Comme dans une eau claire ayant lu dans son âme,
Je lui tendrais la main... et je serais sa femme.

LES JEUNES FILLES 
(riant)
Qui donc parle ainsi? Est-ce toi, Mireille?

VIOLAINE
Vite, ouvrez l'oreille!
Écoutez ceci:
La belle eut envie
D'un joli panier...

AZALAIS
En adroit vannier
Vincent l'a servie...

NORADE
Et voyez un peu
Comme tout s'arrange
Il eut en échange,
Un baiser d'adieu!

TAVEN 
(se levant et s'approchant de Mireille)
Silence! vous mentez!
Mireille est la plus sage!

NORADE
Vincent pour son cadeau n'eut qu'un remerciement;
Mais de bon coeur,.. je le dis, franchement,
J'aurais voulu lui donner davantage!

LES JEUNES FILLES 
(avec un rire moqueur)
Qui de nous choisirait un vannier pour amant!..

(Elles reprennent leurs paniers et se dispersent sous
les arbres.) 

Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants!
Comme les vertes sauterelles,
Au soleil, dans l'herbe des champs.
Chantez, chanta, Magnanarelles,
Car la cueillette âme les chants!

MIREILLE
Le ciel rayonne, l'oiseau chante!
Aujourd'hui, rien ne peut m'attrister!

(Cette valse a été ajoutée en 1889 par Gounod à 
la demande de l'interprète du rôle à l'époque) 

O légère hirondelle,
Messagère fidèle
Vers mon ami
Vole gaîment
Et conte-lui
Mon doux tourment,
Parle-lui, pour moi-même,
Et dis-lui que je l'aime!
Vincent peut croire à mon serment!
Vole, vole gaîment! ah!
O légère hirondelle,
Messagère fidèle
Vers mon ami
Vole gaîment
Vole, vole gaîment! ah!

Scène 4 

TAVEN
C'est donc vrai?... Conte-moi ton secte! à l'oreille,
C'est donc vrai que Vincent est aimé de Mireille?
Parle sans crainte, allons, parle!
Tu l'aimes?

MIREILLE
Oui!

TAVEN 
(tristement)
Richesse et pauvreté s'accordent mal ensemble!
Je lis dans l'avenir, ô Mireille!... 
Et je tremble!... Écoute... 
Si jamais. ton cœur navré d'ennui
S'alarme d'un malheur pour toi-même on pour lui
Souviens-toi de Taven! Compte sur moi, mignonne,
Et viens là-bas me consulter.

(Elle s'éloigne à pas lents.)

Scène 5 

MIREILLE 
(gaiement)
Adieu, bonne Taven !... Adieu!...
Le ciel rayonne!
L'oiseau chante! 
Aujourd'hui rien ne peut m'attrister!

(Apercevant Vincent qui passe au fond, sous les arbres.)

C'est toi, Vincent.

VINCENT
Mireille!

(Il fait quelques pas pour s'éloigner)

MIREILLE
Où donc vas-tu si vite?

VINCENT
A courir par les prés le beau temps nous invite.

MIREILLE
Ne peux-tu t'arrêter près de moi pour causer?

(S'asseyant sur un banc de gazon.) 

Je suis lasse et je veux ici me reposer.

VINCENT 
(s'approchant de Mireille)
Ah! si je suivais mon envie,
Mireille, à vos côtés je passerais ma vie!
Là-bas, dans notre humble maison,
Je suis seul en toute saison
Avec ma soeur et mon vieux père.
Le vieux vannier ne parle guère,
Ma soeur travaille et chante... 
Et j'écoute en rêvant.

MIREILLE
Ta soeur, Vincent... 
Jamais tu ne m'as parlé d'elle,
Comment la nomme-t-on? est-elle jeune et belle?

VINCENT
Vincenette â votre âge et vous lui ressemblez.
Mais comme l'humble fleur des blés
Est soeur de la rose vermeille,
Vincenette est soeur de Mireille!
Devant les garçons assemblés
Si vous paraissiez auprès d'elle,
C'est vous qui seriez la plus belle!

MIREILLE 
(un peu confuse)
Oh! c'Vincent,
Comme il sait gentiment tout dire!
Son parler est si caressant
Qu'on ne peut s'empêcher d'en rire!
Oh! c'Vincent!

VINCENT
Comme Vincent,
Chacun ici peut vous le dire!
D'un regard tendre et caressant
Chacun vous suit et vous admire,
Comme Vincent!

MIREILLE
Ainsi ta saur est belle fille,
Et plus qu'elle pourtant tu me trouves gentille!

VINCENT
Oui, certes, et de beaucoup!

MIREILLE
Pourquoi,
Vincent?... Qu'ai-je do plus, pour toi?

VINCENT
De plus!
Et qu'a l'oiseau de Dieu qui vole et fend l'espace
De plus que le grillon
Caché dans le sillon,
Sinon la beauté même, et le chant et la grâce!
De mes ennuis, par un refrain moqueur,
Vincenette parfois en riant me console;
Mais de vous la moindre parole
Enchante mon oreille et réjouit mon coeur!

MIREILLE
Oh! c'Vincent!
Comme il sait gentiment tout dire!
Son parler est si caressant
Qu'on ne peut s'empêcher d'en rite!
Oh! c'Vincent!

VINCENT 
(l'attirant dans ses bras avec amour)
Comme Vincent,
Chacun ici peut vous le dire
D'un regard tendre et caressant,
Chacun vous suit et vous admire,
Comme Vincent!

MIREILLE
Mais le temps passe... Et j'oublie à t'entendre
Que les autres sont à m'attendre.
Adieu, Vincent! Adieu, gentil vannier;
Viens m'aider à poser sur mon front mon panier.

LE CHŒUR 
(dans la coulisse)
Mireille!

MIREILLE 
(se dégageant de l'étreinte amoureuse de Vincent)
On me cherche! On m'appelle!
Vite séparons-nous!...

VINCENT 
(effleurant son front d'un baiser)
Adieu, Mireille! Adieu!...

MIREILLE 
(pâle et chancelante sous le baiser de Vincent)
Écoute et souviens-toi! Sous le regard de Dieu,
Devant le seuil béni de l'antique chapelle,
Je te donne, Vincent, un pieux rendez-vous!
Si jamais le malheur vient frapper l'un de nous
Aux Saintes tous les deux!... Aux Saintes à genoux!

VINCENT
Oui, adieu, adieu!

MIREILLE
Adieu!

(Ils se séparent) 

LE CHŒUR 
(dans la coulisse)
Chantez, chantez, Magnanarelles;
Car la cueillette aime les chants!
Comme les vertes sauterelles,
Au soleil, dans l'herbe des champs.
Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants!


ACTE II 

Scène 1 

(Les Arènes d'Arles)

CHŒUR ET DANSE
La Farandole
Joyeuse et folle
Entraîne au bruit des chansons
Les filles et les garçons!

LES BUVEURS
Quelles clameurs! quelle joie!
De Nimes à Tarascon,
Et d'Arles au pays gascon,
Tout s'ébaudit et festoye!
Le bon muscat de Baume et le férigoulet
Se boivent à la régalade
Et les chants et le rire, amis du gobelet,
Guérissent plus d'un coeur malade...
Vivent le vin de Baume et le férigoulet!

Scène 2 

(Les mêmes. Mireille, et toute la bande des jeunes
filles Arlésiennes)

LES JOUVENCEAUX
Amis, voici Mireille,
La belle sans pareille!

LES JEUNES FILLES 
(bas, en riant entre elles)
Et l'amoureux Vincent, qui l'attendait là-bas,
S'empresse d'accourir au-devant de ses pas!

(Vincent accourt tout essoufflée: Il s'arrête à
la vue de Mireille.)

C'est pour lui qu'elle vient!
Et Vincent vient, pour elle!

Scène 3 

LES JOUVENCEAUX
Bonjour, la belle!

LE CHŒUR 
(avec une intention maligne)
Chantez-nous à vous deux quelque chanson d'amour.

VINCENT
Eh bien, que Mireille commence!

MIREILLE
Puisque Vincent le veut, 
amis, faites silence,
Nous allons chanter, tour à tour!

Chanson de Magali 

La brise est douce et parfumée,
L'oiseau s'endort sous la ramée
Au fond du bois silencieux!
La nuit sur nous étend son voile;
Et dans les cieux
Je vois une amoureuse étoile
Luire à mes yeux!

VINCENT
O Magali, ma bien-aimée,
Fuyons tous deux sous la ramée,
Au fond du bois silencieux!
La nuit sur nous étend ses voiles
Et tes beaux yeux
Vont faire pâlir les étoiles
Au sein des cieux!

MIREILLE
Non, non, je me fais hirondelle,
Et je m'envole à tire-d'aile!
Tu peux aller au bois seulet!

VINCENT
Adieu donc! fuis à perdre haleine,
Pauvre oiselet!
L'oiseleur te prendra sans peine
En son filet.

MIREILLE
C'est en vain que tu me crois prise;
Je suis nuage!

VINCENT
Et moi, la brise,
Je t'emporte sur un rayon!

MIREILLE
Je suis le bluet qui sommeille
Dans le sillon...

VINCENT
Pour t'avoir, je me fais abeille
Ou papillon.

MIREILLE
Le cloître enfin m'ouvre ses portes.

VINCENT
Je suis le missel que tu portes
C'est moi qui te consolerai.

MIREILLE
Si tu me suis au monastère,
Là je mourrai!

VINCENT
Alors je me ferai la terre;
Et je t'aurai!

MIREILLE
Maintenant je me crois aimée!
Fuyons tous deux sous la ramée,
Au fond du bois silencieux!
La, nuit sur nous étend son voile;
Et dans les cieux
Je vois une amoureuse étoile,
Luire à mes yeux!

VINCENT ET MIREILLE
La nuit sur nous étend son voile;
Et dans les cieux
Je vois une amoureuse étoile
Luire à mes yeux!

LES ARLESIENNES ET LES JOUVENCEAUX
Comme le jour au sein des cieux,
Comme une étoile,
Dans l'air sans voile,
L'amour rayonne dans leurs yeux!

(Fanfares joyeuses. Rires et cris confus au-dehors.
Mireille et Vincent sont séparés par dis foule qui 
envahit le théâtre.)

DES ARLESIENS
Place, place aux coureurs!... sur l'arène brûlante
Au signal ils vont s'élancer!
Landry va disputer le prix à Lagalante!
Qu'ils se donnent la main et l'on peut commencer!

(Les coureurs se donnent solennellement la main. On
entend un roulement de tambourins. À ce signal la foule
se précipite vers les portes du cirque.)

VOIX DIVERSES
C'est le signal!... courons!...vite! 
Il faut se presser!

(Les coureurs s'élancent hors du cirque, suivis 
par toute la foule des curieux. Taven et Mireille 
se rencontrent au fond du théâtre.)

Scène 4 

TAVEN
Eh bien!... Mireille, tu ne les suis donc pas?

(Elle assoit sur un escabeau et lui fait signe 
d'approcher)

Viens là! Je veux te, dire une chose tout bas.

MIREILLE
Parlez, bonne Taven!

(Elle s'approche vivement de Taven.)

TAVEN
Oui, oui, tu me crois bonne
Parce que j'ai promis mon aide à tes amours!

MIREILLE 
(souriant)
Peut-être bien! Dites toujours!

TAVEN
Voici la saison, mignonne,
Où les galants font leur choix!...
L'amour vole et papillonne
Par les prés et par les bois!
Les jouvenceaux sont en quête
De filles à marier...
La belle fait la coquette,
Le père se fait prier,
Et plus d'un anneau se donne,
Qui passe à dé jolis doigts!
Voici la saison, mignonne,
Où les, galants font leurs choix!

MIREILLE 
(tristement)
Oui, c'est le temps des accord ailles!
Mais pourquoi parler de cela?

TAVEN
Tout à l'heure, en rôdant par là,
Le long de ces vieilles murailles,
J'ai va trois galants dont j'ai ri,
Se conter leurs amours rivales,
Ourrias le dompteur de taureaux, Alari
Le berger, et Pascoul le gardeur de cavales...

MIREILLE
Eh bien?

TAVEN
A leurs propos, s'il faut ajouter foi,
Celle qu'ils ont choisie et qu'ils aiment... c'est toi!

MIREILLE
Moi!

TAVEN
Oui!... Voilà la saison, mignonne,
Où les galants font leur choix.. etc.

MIREILLE
Que j'épouse et que j'aime un autre que Vincent,
Non! mon père ni Dieu n'ont pouvoir de le faire!

TAVEN
D'un père cependant redoute la colère!
Prends garde! J'ai voulu t'avertir en passant.

(Elle s'éloigne à pas lent et disparaît en faisant un
signe de la maire a Mireille.)

Scène 5 

MIREILLE 
(seule)
Trahir Vincent, vraiment ce serait être file!
Quand passe le bonheur, s'il n'est pris, il s'envole.

Mon cœur ne peut changer!
Souviens-toi que je t'aime!
Vincent, ô mon Vincent, pourquoi nous affliger?
Ta triste solitude et ta pauvreté même
Avec toi, pour toujours, je veux tout partager!
Mon cœur ne peut changer!
Dans ta pauvre maison je suis prête à te suivre!
A ton foyer désert je suis prête à m'asseoir.
Cet humble sort m'enchante et ce rêve m'enivre!
Qui croit tenter mon âme emporta un fol espoir!...
Mon cœur ne peut changer!
Vincent, ô mon Vincent, souviens-toi que je t'aime!
Ta triste solitude et ta pauvreté même,
Avec toi, pour toujours; je veux tout partager!
Mon cœur ne peut changer!

Non. Jamais, jamais, Ah!
A toi mon âme,
Je suis ta femme.
Malgré leur blâme,
Je t'appartiens.
Fière et ravie,
En cette vie,
Mon cœur n'envie
De plus doux biens.
Que Dieu m'entende;
Ma joie est grandie,
Si dans la lande
Je suis tes pas,
Et si nom rêne
Sur l'humble grève,
Un jour s'achève
Entre tes bras,
A toi mon âme,
Je suis ta, femme;
Malgré leur blâme.
Je suis ta femme (bis)
Je t'appartiens, ô mon Vincent!
À toi mon âme!
Je suis ta femme!
Je t'appartiens!
Pour jamais, je t'appartiens!

(Ourrias parait au fond)

Scène 6 

MIREILLE
Ourrias!

(Elle fait quelques pas pour s'éloigner.)

OURRIAS
Pourquoi fuir si vite à mon approche?
Vous fais-je peur, la belle? ou bien, sans le savoir,
Aurais-je mérité de vous quelque reproche?

MIREILLE
Aucun vraiment! J'ai plaisir à vous

OURRIAS
Pourquoi de vous charmer n'ai-je pas le pouvoir?
Si les filles d'Arles sont reines
Quand le plaisir les rassemble aux arènes

Si les filles d'Arles sont reines,
Les bouviers aussi, je crois,
Dans la lande en feu sont rois!
Oui là-bas ils sont rois!
Et s'ils veulent prendre femme...
La plus fière, au fond de l'âme...
Se soumet à leur choix!...
Mais fier à son tour de son doux servage,
Et quittant pour toit son désert sauvage,
Devant tous, ô belle! Ourrias vainqueur
Se courbe à tes pieds pour gagner ton coeur.
Ourrias, bouvier de Camargue,
N'est point de ceux qu'on dédaigne et qu'on nargue
Ourrias, bouvier de Camargue,
Son trident de fer en main,
Peut braver le genre humain,
Et suit droit son chemin!
Le dompteur que rien ne dompte,
Pour parler à qui l'affronte
N'attend pas à demain!...
Mais fier à son tour de son doux servage,
Et quittant pour toi son désert sauvage,
Devant tous, ô belle! Ourrias vainqueur
Se courbe à tes pieds pour gagner ton coeur!

MIREILLE
Adieu!... permettez-moi de fuir... ou de me taire.

OURRIAS 
(avec dépit)
Pourquoi?... parmi tous ceux qui cherchent à te plaire,
Ton père m'a choisi, croyant sagement faire,
Et je veux...

MIREILLE 
(ironique)
Vôtre demande et vos tendres aveux
Me semblent, beau galant, dictés par l'amour même.
Mais, croyez-moi, pour qu'on vous aime,
Ne dites jamais: je veux!

(Elle s'enfuit en riant)

Scène 7 

OURRIAS 
(seul)
Elle fait fi de moi, la belle!

Scène 8 

RAMON 
(s'approchant d'Ambroise 
et lui frappant sur l'épaule)
Eh bien?

OURRIAS 
(avec dépit)
On me refuse!

RAMON 
(gaiement)
Je m'en doutais, voyant cette mine confuse!

(Ambroise parait au fond avec Vincent et Vincenette.
Il s'avance seul vers Ramon. Ourrias s'est écarté et
semble chercher du regard Mireille. Vincenette et
Vincent suivent, pleins d'anxiété, le récit d'Ambroise.)

Scène 9 

AMBROISE 
(touchant l'épaule de Ramon)
Je viens vous demander, compère, un bon avis...

(À Vincent et Vincenette.) 

Venez!

(Ramon se lève, Ambroise l'entraîne à l'écart) 

Depuis longtemps vous connaissez mon fils
Je lui croyais le cour bon, l'âme honnête.
Mais savez-vous ce qu'il s'est mis en tête?
Il a, je ne sais où,
Vu, par hasard, je ne sais quelle fille;
De bon renom et de riche famille,
Dont il s'est fait amoureux comme un fou.
Le pauvre enfant, compère!
Le pauvre enfant pleure et se désespère!
D'un bon avis daignez me secourir.

RAMON
Bah! la fille ni lui n'en mourront, je vous jure!
Mais d'un refus certain épargnez-vous l'injure;
Et s'il ne suffit pas de parler terme et haut,

(Montrant le bâton qu'Ambroise tient à la main) 

Pour lui guérir le coeur, vous avez ce qu'il faut.

AMBROISE 
(indigné),
Quand votre chien demande à boire, qu'on l'assomme!

(Mireille parait au fard et s'arrête pour écouter.
Vincent et Vincenette se rapprochent. Ourlas prend un
air indifférent.)

Scène 10 

RAMON
Un père parle en père, un homme agit en homme!
Le chef de famille autrefois
Était le maître et tout se courbait à sa voix!...
Et quand Noël voyait devant la table sainte
S'asseoir l'aïeul, avec sa génération,
Le doux vieillard calmait toute rébellion
Et faisait taire toute plainte,
En versant sur ses fils sa bénédiction!...
Mais que l'un deux osât braver sa loi suprême,
Dieu juste!... il l'eût tué peut-être!

MIREILLE 
(s'élançant vers son père, pâle et agitée)
Tuez-moi!

(Montrant Vincent) 

Je suis celle qu'il aime!...
Et devant Notre Dame et devant Dieu lui même,
Je vous jure que nul autre n'aura ma foi!...

(Ramon reste frappé de stupeur. Ambroise s'élance 
vers son fils comme pour le protéger. Ourrias se lève 
de table, les yeux fixés sur Vincent. Long moment de 
silence)

RAMON
Saints du ciel! 
Sur mon front c'est la foudre qui tombe!

VINCENT 
(avec désespoir, à Ambroise)
Avant peu dans la tombe,
Vos mains me descendront!

VINCENETTE 
(bas, à Vincent)
Espère encore... Tes pleurs le toucheront!

AMBROISE 
(cherchant à entraîner Vincent)
Viens! retournons là-bas puisqu'on nous fait affront!

OURRIAS 
(à part, avec rage)
C'est pour ce bel amant qu'elle me fait affront!

RAMON 
(saisissant Mireille par le bras)
Écoute!... il en est temps!...reprends cette parole!
Démens ce fol aveu!...

MIREILLE
Non, je ne suis pas folle,
Et l'aveu que je fais s'échappe de mon coeur.

RAMON 
(la repoussant)
Eh bien va-t'en, brave la honte et le mépris moqueur!
Je ne te connais plus!... Adieu! ma fille est morte.
Suis ton amant, suis l'époux de ton choix!
Va mendier ton pain de porte en porte
Et chercher loin de nous un abri dans les bois! 

(Lui saisissant de nouveau la main) 

Mais non, tu resteras!.. Je le veux! Je l'ordonne!
Quand je devrais te lier pieds et mains
Pour t'empêcher de courir les chemins!
Quand je devrais...

(Il lève la main de Mireille)

MIREILLE
Frappez... et que Dieu vous pardonne!

(Tombant aux pieds de son père) 

Hélas! à vos pieds me voilà!
Je suis sans défense et sans armes!
Si ma pauvre mère était là,
Elle aurait pitié de mes larmes!...
Son âme était clémente et bonne,
Mes pleurs se séchaient sous sa main,
Et dans les cieux elle pardonne.
À l'enfant qui vous prie en vain!...

(Ramon détourne la tête sans répondre.) 

Ah! c'en est fait... je, désespère
Si Dieu ne vient me secourir!...

(Elle se relève avec effort et cherche à retenir les
mains de Ramon dans les siennes.) 

Vous voulez donc me voir mourir
Comme elle! Répondez, mon père!

(Retombant à genoux)

Hélas! à vos pieds me voilà!
Je suis sans défense et sans armes!
Si ma pauvre mère était là,
Elle aurait pitié de nies larmes!...

RAMON
Relève-toi! qu'attends-tu là?
Je suis insensible à tes larmes!

VINCENT
Hélas! à ses pieds là voilà
Il est insensible à ses larmes!

AMBROISE
Viens, viens! partons!... oublions la
Il est insensible à ses larmes!

VINCENETTE
Partons, Vincent, et plaignons-la!
Il est insensible à ses larmes!

OURRIAS 
(à part)
Elle prie et pleure... et voilà
Le père qui cède à ses larmes!

(Quelques paysans passent au fond et s arrêtent pour
écouter.)

RAMON 
(repoussant Mireille et tournant sa colère contre
Ambroise)
C'est toi, misérable vannier!
Toi, qui, traîtreusement, tu ne peux le nier,
As machiné ce rapt infâme!

AMBROISE 
(se redressant avec colère)
Morbleu! la pauvreté n'avilit point notre âme,
Et, Dieu merci, ma vie est à l'abri du blâme!

RAMON
Quoi! j'aurai sans repos travaillé si longtemps
Pour assurer la paix de mes vieux ans,
Laisser mon bien à ceux de ma famille.
Et puis, ton fils me volera ma fille!
Tonnerre et sang!... c'est là ce que tu veux!

(Il saisit un bâton et menace Ambroise)

MIREILLE 
(s'élançant vers Vincent)
Vincent!

VINCENT 
(retenant Ambroise)
Mon père!

(Les deux hommes se mesurent un moment avec
colère et semblent prêts à s'élancer l'un sur l'autre.)

RAMON 
(jetant son bâton)
Allez au diable tous les deux.

(On accourt de tous côtés. La foule les entoure.)

Scène 11 

RAMON
Oui, que l'enfer de vous s'empare!
Allons! Mordieu! Qu'on se sépare!
Et malheur à toi si demain...

AMBROISE
Garde ton trésor, vieil avare!...
C'est ton orgueil qui les sépare!
Puises-tu rencontrer demain
Honte et malheur en ton chemin!

MIREILLE 
(les bras tendus vers Vincent)
C'est en vain que l'on nous sépare!
Je t'appartiens! voici ma, main!
A bientôt, Vincent! à demain!

VINCENT 
(a part; avec désespoir)
Il me refuse! il nous sépare!
Sa main repousse notre main!
Je ne la verrai plus demain!

VINCENETTE
Pauvres amants! on vous sépare!
Partons, Vincent! Donne ta main,
Il faut nous remettre en chemin!

OURRIAS 
(à part)
Allons, mordieu! qu'on les sépare!
Et malheur à lui si demain
Je le rencontre en mon chemin!

LE CHŒUR 
(à Ramon)
Père cruel! âme barbare!
C'est ton orgueil qui les sépare!
Pour eux nous t'implorons en vain!
Le ciel te punira demain!

(Ramon arrache Mireille des bras de Vincent. Mireille
pousse un cri et s'affaisse entre les bras de son père.
Ambroise entraîne Vincent. Les jeunes filles arlésiennes
s'empressent autour de Mireille évanouie.)
ACTO I 


Escena 1 

MUCHACHAS ARLESIANAS
¡Cantad, cantad, Magnanarelles,
que la recolección ama los cantos!
Como los saltamontes al sol,
entre la hierba de los campos.
¡Cantad, cantad, Magnanarelles,
que la recolección ama los cantos!
Niñitas risueñas
y laboriosas,
que un rayo de estío
¡nos llene de alegría!
Somos similares
a las doradas abejas,
cuyos etéreos enjambres
por las amarillas flores 
¡aman revolotear!
¡Cantad, cantad, Magnanarelles,
que la recolección ama los cantos!
Como los saltamontes al sol,
entre la hierba de los campos.
¡Cantad, cantad, Magnanarelles,
que la recolección ama los cantos!

(Llenan sus cestos con hojas de morera. 
Entra Taven, la hechicera)

Escena 2 

TAVEN
(Se detiene, al fondo, apoyada en su bastón)
¡Escuchad como cantan y ríen
esas muchachitas de alegres corazones!
No saben que un hechizo las atrae
a los pies del cazador, como a pájaros.
¡Llegará el día en que suspirarán
con lagrimas en los ojos!
¡Escuchad como cantan y ríen
esas muchachitas de alegres corazones!

CLEMENCE, MUCHACHAS
(riendo)
Es Taven, la hechicera,
con su mandilón 
y su viejo refajo
¡más grises que el mismísimo polvo!
¡Es Taven, la hechicera,
con su mandilón!
¡En nuestro humilde surco
ella arroja piedras!
¡Es Taven, la hechicera.
con su mandilón!

ALGUNAS MUCHACHAS 
¡Aquí viene, el cazador!... 
¡De sus trampas nos reímos!

OTRAS MUCHACHAS
¡La verde primavera no teme
ni al frío ni a la nieve!

ALGUNAS MUCHACHAS
Los pájaros, ases del aire,
¡escapan de los cazadores!

OTRAS MUCHACHAS
¡Nuestros cantos alejan
las penas y llantos!

(Taven se acerca, a distancia prudente, 
para poder oírlas mejor)

CLEMENCE
Yo, si por ventura,
un príncipe viniera a ofrecerme su mano,
joven, galante, bien parecido y de noble cuna,
¡me dejaría conducir a palacio ese mismo día!
Emperatriz y soberana,
con largas y lujosas vestiduras,
decoradas con armiño y de oro bordadas,
regresaría con vosotras 
¡para ver de nuevo
a mi querida Provenza!

(Entra Mirella, con una cesta en la mano. 
Avanza sonriente entre los numerosos grupos 
de muchachas.)

Escena 3 

MIRELLA
Y si por fortuna, un muchacho,
aunque fuera pobre y tímido pero honesto y sincero,
me dijera con dulzura: "Mirella, te amo!"
encontraría en mí un corazón dispuesto a amar.
Y sin reprimir el gozo, como en un estanque cristalino, 
se encontraría con mi alma.
Él sería mío... y yo suya.

MUCHACHAS
(riendo)
¿Quién dijo eso?... ¿Has sido tú, Mirella?

VIOLANTE
¡Atentas!
Escuchad sus palabras:
La bella desea
una hermosa cesta...

AZALAIS
Y el hábil artesano Vincent,
seguramente se la regalará... 

NORADE
Y veréis como
lo conseguirá,
¡pues él se lo cambiará
por un beso! 

TAVEN
(Se levanta y se acerca a Mirella)
¡Silencio! ¡Eso es falso! 
¡Mirella es la más sensata de todas vosotras!

NORADE
Ella tendrá que agradecer a Vicent el regalo
y como tiene tan buen corazón... le pedirá:
¡Que llegue aún más lejos!

MUCHACHAS
(riéndose con burla)
¡Ojalá un artesano nos cortejara!...

(Recogen sus cestas y se marchan a
través del bosque) 

¡Cantad, cantad, Magnanarelles,
que la recolección ama los cantos!
Como los saltamontes al sol,
entre la hierba de los campos.
¡Cantad, cantad, Magnanarelles,
que la recolección ama los cantos!

MIRELLA
¡El día está claro y los pájaros cantan,
hoy nada me puede entristecer!

(El siguiente vals fue añadido por Gounod en
1889 a petición de los cantantes de la época) 

¡Oh, ligera golondrina,
fiel mensajera,
vuela alegre 
hacia mi amado
y cuéntale mi 
dulce tormento;
háblale de mí 
y dile lo mucho que lo amo.
¡Vincent debe conocer 
mis sentimientos!
¡Vuela, vuela alegre, ah!
¡Oh, ligera golondrina,
fiel mensajera,
vuela alegre 
hacia mi amado!

Escena 4

TAVEN
¿Es eso verdad?... Cuéntame tu secreto al oído.
¿No es cierto, que Vincent ama a Mirella?
¡Habla sin temor, vamos, habla!... 
¿Lo amas?

MIRELLA
¡Sí!

TAVEN
(con tristeza)
¡Riqueza y pobreza no congenian! 
Ambas las veo en tu futuro ¡oh, Mirella!...
¡Tiemblo!... Escucha... 
Si alguna vez tu corazón siente próxima 
la desventura, bien para ti o para él,
¡acuérdate de Taven! Confía en mí, pequeña,
y acércate hasta allá abajo para consultarme.

(Taven se aleja lentamente)

Escena 5 

MIRELLA
(con alegría)
¡Adiós, buena Taven!... ¡Adiós!... 
¡El cielo resplandece!
¡Los pájaros cantan! 
¡Nada puede entristecerme hoy!

(Aparece Vincent, pasando por el fondo)

¿Eres tú, Vincent?

VINCENT
¡Mirella! 

(Vincent parece querer alejarse)

MIRELLA
¿A dónde vas con tanta prisa?

VINCENT
Con este buen tiempo voy a pasear al prado.

MIRELLA
¿Y no quieres que charlemos un ratito?

(se sienta en un banco) 

Estoy tan cansada que me voy a sentar...

VINCENT
(se aproxima a Mirella)
¡Ah, si de mí dependiera, Mirella, 
a tu lado pasaría toda mi vida!
Allí abajo, en mi humilde casa,
con mi hermana y mi padre anciano
me siento en la más absoluta soledad...
Mi padre apenas habla, 
y mi hermana sólo sabe trabajar y cantar...
¡La oigo hasta en sueños!

MIRELLA
¿Una hermana, Vincent?... 
Nunca me has hablado de ella.
Dime, ¿cómo se llama? ¿Es joven?... ¿Bonita?

VINCENT
Vincenette, es de tu edad y se parece a ti.
Pero como las dulces flores del prado
ella es hermana de la rosa roja,
¡Vincenette es hermana de Mirella!
Pero si pasaras delante de los muchachos
después que ella,
¡sin duda tú serías la más bella!

MIRELLA
(confundida)
¡Oh, Vincent, qué lindas
son las cosas que me dices!
Tus palabras son tan dulces
¡que es imposible no sentirme dichosa!
¡Oh, Vincent!

VINCENT
¡Al igual que Vincent, todos los muchachos 
te podrían decir lo mismo!
Con esa dulce y tierna mirada
cualquiera se quedaría prendado de ti.
¡Al igual que Vincent!

MIRELLA
Si dices que te recuerdo a tu hermana...
Entonces... ¡es que te parezco bella!

VINCENT
¡Sí, es cierto, y mucho!

MIRELLA
Pero Vincent...
¿Puedo hacer algo por ti?

VINCENT
¡Desde luego!
Los pájaros vuelan 
a través del firmamento
y el grillo canta escondido en el surco;
¡representan la gracia y el canto!
Así Vincenette, a veces, 
reconforta mis penas
cantando coplas burlonas.
¡Ella deleita mi oído y regocija mi corazón!

MIRELLA
¡Oh, Vincent!
¡Qué dulces son las cosas que dices!
Tus palabras son tan embriagadoras
¡que no puedo evitar soñar!
¡Oh, Vincent!

VINCENT
(la toma entre sus brazos con amor)
Como Vincent, 
cualquiera puede hablarte así,
o mirarte con ternura y amor.
Todos te admiran y cortejan
¡al igual que Vincent!

MIRELLA
Pero se ha hecho tarde... y he olvidado
que las demás me están esperando.
¡Adiós Vincent! ¡Adiós querido artesano!
Ayúdame a colocar la cesta sobre mi cabeza...

CORO
(fuera de escena)
¡Mirella!

MIRELLA
(soltándose del amoroso abrazo de Vincent)
¡Me buscan! ¡Me están llamando!
¡Rápido, separémonos!...

VINCENT
(dando un beso en su frente)
¡Adiós, Mirella! ¡Adiós!...

MIRELLA
(pálida e insegura luego del beso)
¡Recuerda lo que voy a decirte!
Ante la mirada de Dios, en la antigua capilla,
tendremos, Vincent, nuestro refugio.
Si alguna vez el infortunio nos golpease
¡deberemos encomendarnos a los santos!

VINCENT
¡Sí, adiós, adiós!

MIRELLA
¡Adiós!

(Se separan) 

CORO
(fuera de escena)
¡Cantad, cantad, Magnanarelles,
que la recolección ama los cantos!
Como los saltamontes al sol,
entre la hierba de los campos.
¡Cantad, cantad, Magnanarelles,
que la recolección ama los cantos!


 ACTO II 

 Escena 1 

(En el Anfiteatro de Arlés)

CORO
¡La farándula
alegre y alocada,
arrastra con el sonido de sus canciones
a las muchachas y a los jóvenes!

BEBEDORES
¡Qué alborozo!... ¡Qué alegría!
De Nimes a Tarascón
y de Arlés a Gascuña.
¡todo es fiesta y algazara!
El buen moscatel de Baume y el ferigoulet
¡entran como el agua!
Las risas y cánticos, amantes de las botellas,
sanan al más enfermo de los corazones.
¡Viva el vino de Baume y el ferigoulet!

Escena 2 

(Los anteriores junto con Mirella y el grupo
de jóvenes) 

MUCHACHOS
¡Amigos, por aquí llega Mirella!
¡La bella sin igual!

MUCHACHAS
(en voz baja, riéndose entre ellas)
Y el enamorado Vincent, que la esperaba allí,
¡se afana en seguir tras sus pasos!

(Vincent llega sin aire, se detiene al ver 
a Mirella) 

¡Es por él que ella viene!
¡Y Vincent por ella!

Escena 3

MUCHACHOS
¡Buen día, hermosa!

CORO
(con malicia)
Cantadnos a dúo una canción de amor.

VINCENT
¡Muy bien, que comience Mirella!...

MIRELLA
Puesto que Vincent así lo desea, 
¡amigos, guardad silencio!
¡Cantaremos a dúo!

Canción de Magali 

La brisa es dulce y perfumada,
el pájaro descansa en lo más profundo
del silencioso bosque.
La noche extiende su velo sobre nosotros,
y en el firmamento 
veo una dulce estrella 
que se refleja en mis ojos.

VINCENT
¡Oh, Magali, amada mía!
Huyamos a lo más profundo
del silencioso bosque.
La noche extiende 
su velo sobre nosotros,
y tus bellos ojos hacen palidecer
a las estrellas del firmamento.

MIRELLA
¡No, no, me convertiré en golondrina,
y volare haciendo piruetas!
¡Puedes ir al bosque tú solo!

VINCENT
¡Adiós, entonces! Fuiste sólo una ilusión.
¡Pobre pajarilla!
El cazador te atrapará 
sin misericordia con su red.

MIRELLA
Es inútil que quieras atraparme.
¡Soy una nube!

VINCENT
¡Y yo la brisa 
que te lleva sobre un rayo!

MIRELLA
¡Soy el arándano 
que descansa en el surco!

VINCENT
¡Para poseerte, 
me convertiré en abeja o mariposa!

MIRELLA
El claustro al fin me abre sus puertas.

VINCENT
Soy el misal en que rezas.
Soy yo quien te consuela.

MIRELLA
Si tú me sigues al monasterio
¡allí moriré!

VINCENT
Entonces, ¡en tierra me convertiré 
y así podré tenerte al fin!

MIRELLA
¡Ahora me siento amada!
¡Huyamos a lo más profundo
del silencioso bosque!
La noche extiende su velo sobre nosotros,
y en el firmamento 
veo una dulce estrella 
que se refleja en mis ojos.

VINCENT, MIRELLA
La noche extiende su velo sobre nosotros,
y en el firmamento 
veo una dulce estrella 
que se refleja en mis ojos.

CORO
Como la claridad en el seno del cielo,
como las estrellas
en el aire inmóvil
¡el amor resplandece en sus ojos!

(Fanfarria alegre. Risas confusas fuera de 
escena. Mirella y Vincent quedan separados
por la muchedumbre que invade la escena.)

ARLESIANOS
¡Paso, paso a los corredores!... 
¡En el gran anfiteatro van a competir!
¡Landry disputará el premio a Lagalante!
¡Que se den la mano antes de comenzar!

(Ambos se dan la mano solemnemente.
Tras un redoble de tambor, suena la señal.
Todos se abalanzan para ver el espectáculo.)

VOCES
¡La señal!... ¡Corred!... Rápido!... 
¡Hay que darse prisa!

(Los corredores salen fuera del anfiteatro,
seguidos por la multitud. Taven y Mirella 
se reencuentran al fondo de la escena.)

Escena 4 

TAVEN
Y bien, Mirella, ¿no vas con ellos?

(Baja del escabel y le hace señas para 
que se acerque) 

¡Ven aquí!... ¡Te diré un secreto!

MIRELLA
¡Habla, buena Taven!

(se acerca rápidamente)

TAVEN
Tú me crees buena porque te prometí 
ayudarte con tus amores.

MIRELLA
(sonríe)
¡Podría ser! Dime, pues...

TAVEN
Esta es la época, querida,
en que los amantes hacen su elección...
¡El amor revolotea como una mariposa
por los prados y bosques!
Los jovencitos están buscando
a una muchacha por esposa...
La hermosa coquetea,
y los padres rezan.
¡Y todas están deseando
que un anillo se deslice por su dedo!
Esta es la época, querida,
en que los amantes hacen su elección...

MIRELLA
(con tristeza)
¡Sí, es la época del cortejo!
Pero ¿por qué lo dices?

TAVEN
Hace un momento, en aquel muro,
he visto tres galanes que me han hecho reír.
¡Los tres se lamentaban
por su amor no correspondido!
Ourrias, el curtidor; Alari, el pastor;
y Pascual, el mulero...

MIRELLA
¿Y?

TAVEN
No es necesario que te diga
que su amor no correspondido... ¡eres tú!

MIRELLA
¿Yo?

TAVEN
¡Sí!... Ésta es la época, querida, 
en que los amantes hacen su elección...

MIRELLA
¿Que me case y ame a otro que no sea Vincent? 
¡No, ni Dios ni mi padre podrán obligarme!

TAVEN
¡Ten cuidado con el enojo de un padre! 
¡Cuidado! Sólo quería advertirte...

(Se aleja lentamente y desaparece haciéndole 
un ademán a Mirella)

Escena 5 

MIRELLA
(sola)
¡Traicionar a Vincent, sería una locura!
Si no nos comprometemos, se marchará...

¡Mi corazón no puede cambiar!
¡Cuánto te amo!
¡Oh, Vincent! ¿Por qué nos atormentan?
Tu soledad y pobreza 
¡por siempre deseo compartirlas!
¡Mi corazón no puede cambiar!
¡A tu humilde casa yo te seguiría!
Me acurrucaría junto al fuego de tu hogar.
¡Ese pensamiento me hechiza y arrebata!
¡Mi alma no puede apartarse de ese loco deseo!
¡Mi corazón no puede cambiar!
¡Oh, Vincent, recuerda que te amo!
Tu soledad y pobreza 
¡por siempre deseo compartirlas!
¡Mi corazón no puede cambiar!

¡No, nunca, jamás!
Mi alma te pertenece,
soy tu esposa.
A pesar de todas las condenas,
te pertenezco
y estoy orgullosa de ello.
Mi corazón 
no puede alcanzar
mayor fortuna en esta vida.
¡Que Dios escuche
mi alegría!
Si por los páramos
sigo tus pasos
y llevo con humildad
tus riendas por el polvo,
¡un día acabaré
entre tus brazos!
Mi alma te pertenece,
soy tu esposa.
A pesar de todas las condenas,
te pertenezco... (bis)
Te pertenezco, ¡oh, Vincent! 
¡Mi alma te pertenece!
¡Soy tu esposa!
¡Te pertenezco!
¡Por siempre te perteneceré!

(Aparece Ourrias al fondo de la escena)

Escena 6 

MIRELLA
¡Ourrias! 

(Da unos pasos con intención de irse)

OURRIAS
¿Por qué huyes cuando me acerco?
¿Me temes, hermosa? ¿O es que tal vez, 
merezco algún reproche tuyo?

MIRELLA
¡Nada me has hecho! Me agrada verte.

OURRIAS
¿Por qué no consigo interesarte?
Si las hijas de Arlés son reinas
cuando el júbilo las reúne en el anfiteatro.

Si las hijas de Arlés son reinas,
del mismo modo los boyeros, 
en los verdes campos, ¡somos reyes!
¡Sí, allá somos los reyes!
Y si a una mujer desean tomar,
aún la mas orgullosa, en el fondo de su alma,
¡se somete a la elección!...
Pero a pesar de la nobleza de su oficio
y dejando por ti sus páramos salvajes,
delante de todos ¡oh, hermosa! Ourrias
se arrodilla a tus pies para ganar tu corazón.
Ourrias, boyero de la Camarga,
desprecia a aquellos que temen al peligro.
Ourrias, boyero de la Camarga,
con su puya de acero en la mano
se enfrentará a cualquiera
que se cruce en su camino.
¡El domador a quien nadie doma!
Para ser sincero, ¡no estoy acostumbrado
a esperar ni un sólo día!...
Pero a pesar de la nobleza de su oficio
y dejando por ti sus páramos salvajes,
delante de todos ¡oh, hermosa! Ourrias
se arrodilla a tus pies para ganar tu corazón.

MIRELLA
¡Adiós!... Debo irme... a descansar.

OURRIAS
(decepcionado)
¿Por qué?... De entre todos los que te cortejan, 
tu padre, sabiamente, me prefiere a mí.
Te deseo...

MIRELLA
(con ironía)
Tus tiernas confesiones me parecen, 
hermoso galán, dictadas por el más puro amor.
Pero créeme, aunque alguien sea de tu agrado,
no digas nunca: ¡te deseo!

(Se marcha, riéndose)

Escena 7 

OURRIAS
(solo)
¡Me rechaza!

Escena 8 

RAMÓN
(acercándose a Ourrias
y sacudiendo su hombro)
¿Y bien?

OURRIAS
(decepcionado)
¡Me rechazó!

RAMÓN
(con alegría)
¡Verás como no, debe de estar confusa!

(Entra Ambrosio con Vincent y Vincenette, sus 
hijos. Avanzan hasta donde esta Ramón. Ourrias 
se aparta de ellos buscando a Mirella. Vicent y 
Vicenette miran a su padre ansiosos) 

Escena 9

AMBROSIO
(Tocando el hombro de Ramón)
Vengo a pedirte, compadre, un consejo...

(A sus hijos) 

¡Acercaros!

(Ramón se levanta) 

Hace mucho que conoces a mi hijo.
Tiene un corazón bueno y el alma honesta.
Pero ¿sabes lo que tiene en mente?
El ha visto, no se dónde,
una linda muchacha,
honesta y de rica familia,
y se ha enamorado de ella perdidamente.
¡Por Dios, compadre!
¡El desgraciado llora y está desesperado!
Desearía que me dieras un buen consejo.

RAMÓN
¡Bah! ¡Ni ella ni él se morirán, te lo aseguro!
Aunque si él desistiera, te ahorraría la afrenta.
Y si no eres capaz de hablarle firme y alto,

(señalando el bastón de Ambrosio) 

¡para curar su corazón, aquí tienes la medicina!

AMBROSIO
(tristemente)
¡Cuando tu perro pide de beber, lo golpeas!

(Mirella aparece al fondo, y se detiene para 
escuchar. Vincent y Vincenette se acercan. 
Ourrias adopta un aire de indiferencia.)

Escena 10 

RAMÓN
¡Un padre debe hablar y actuar como tal!
¡Los jefes de familia de antaño eran los amos 
y todos se inclinaban ante su voz!...
Y cuando en Navidad, todos reunidos,
el abuelo presidía la mesa,
el anciano calmaba cualquier alboroto
simplemente con su presencia
y su bendición.
Pero si alguno osaba romper su ley suprema,
¡por Dios!... ¡Quizás, hasta matarlo podía!

MIRELLA
(lanzándose sobre su padre, pálida y agitada)
¡Mátame, entonces!

(señalando a Vincent) 

¡Soy yo a quien él ama!
¡Y ante Nuestra Señora y el mismísimo Dios,
te juro que ningún otro me tendrá!...

(Ramón queda confuso. Ambrosio se lanza 
sobre su hijo, para protegerlo. Ourrias se 
levanta de su silla con la mirada fija en 
Vincent. Largo momento de silencio.)

RAMÓN
¡Santo cielo!... 
¡Sobre mí ha caído un rayo fulminante!

VINCENT
(desesperado, a Ambrosio)
¡Tus brazos me han de bajar
pronto al sepulcro!

VINCENETTE
(en voz baja a Vincent)
¡Espera!... ¡Quizá tus lagrimas lo harán ceder!

AMBROSIO
(tratando de serenar a Vincent)
¡Ven!... ¡Regresemos, allá tendremos paz!

OURRIAS
(a parte, con furia)
¡Ella me ha rechazado por él!...

RAMÓN
(aferrando a Mirella del brazo)
¡Escúchame!... ¡Aún estás a tiempo! 
¡Fue la locura la que te llevo a decir tales cosas!

MIRELLA
¡No, no estoy loca! Lo que he dicho
ha salido de lo más profundo de mi corazón.

RAMÓN
(rechazándola)
¡Bien, vete entonces, me llenas de vergüenza!
¡Te desconozco!... ¡Adiós, mi hija está muerta!
¡Sigue a tu amante, al esposo que elegiste!
Ve, ve a mendigar de puerta en puerta,
y a busca lejos de aquí un abrigo en el bosque.

(Aferrando nuevamente la mano de Mirella) 

Pero, ¡no!... ¡Te quedarás!
¡Así lo quiero y ordeno!
¡Debería atarte para impedir que huyas!...
Debería...

(alza la mano como para golpearla)

MIRELLA
¡Golpéame!... ¡Y que Dios te perdone!

(arrojándose a los pies de su padre) 

¡Ay! ¡Me tienes a tus pies!
¡Estoy indefensa y desarmada!
Si mi pobre madre estuviera aquí,
¡tendría piedad de mis lagrimas!...
Su alma era clemente y buena,
mi llanto se secaría en sus manos.
¡Desde el Cielo, ella perdona a la hija 
que vanamente te implora!...

(Ramón vuelve la cabeza, sin responder) 

¡Ah! ¡Moriré de desesperación
si Dios no viene a socorrerme!...

(Se levanta con esfuerzo e intenta tomar 
las manos de Ramón) 

¿Acaso deseas verme morir?
¡Como ella!... ¡Responde, padre!

(cayendo de rodillas) 

¡Ay! ¡Me tienes a tus pies!
¡Estoy indefensa y desarmada!
Si mi pobre madre estuviera aquí,
¡tendría piedad de mis lagrimas!...

RAMÓN
¡Levántate!... ¿Qué haces?
¡Tus lágrimas no me ablandarán!

VINCENT
¡Ah, la tiene a sus pies!
¡Es insensible a sus lagrimas!

AMBROSIO
¡Ven!... ¡Vámonos! 
¡Es insensible a sus lagrimas!

VINCENETTE
¡Vámonos, Vincent, olvidémosla!
¡Es insensible a sus lagrimas!

OURRIAS
(a parte)
Ella ruega y llora... 
¡El padre cederá a su llanto!

(Algunos campesinos pasan por el fondo de 
la escena y se detienen para escuchar.) 

RAMÓN
(rechaza a Mirella una vez más y vuelve su 
ira contra Ambrosio)
¡Has sido tú, miserable artesano!
¡Tú, el que arteramente, no puedes negarlo,
has maquinado toda esta infamia!

AMBROSIO
(se yergue con furia)
¡Cielos, la pobreza no ha mancillado mi alma!
¡Gracias Dios, mi vida es irreprochable!

RAMÓN
¿Qué? He trabajado sin descanso muchos años
para asegurarme la paz en mi vejez
y legar todo cuanto tengo a mi familia...
¡Y ahora tu hijo me roba a mi hija!
¡Rayos y sangre!... ¡Eso era lo que tú querías!

(Con un bastón amenaza a Ambrosio) 

MIRELLA
(se lanza a los brazos de Vincent)
¡Vincent!

VINCENT
(protegiendo a su padre)
¡Padre!

(Ambos ancianos se observan mutuamente 
con odio)

RAMÓN
(tirando el bastón)
¡Iros al diablo!

(a los gritos, acude gente de todos lados) 

Escena 11 

RAMÓN
¡Sí, que el infierno sea vuestro refugio!
¡Dios mío, haz que se separen!
Desgraciada de ti si mañana...

AMBROSIO
¡Quédate con tu dinero, viejo avaro!...
¡Es tu orgullo el que impide que se amen!
¡Continua tu camino
amargado y orgulloso!

MIRELLA
(tendiendo los brazos a Vincent)
¡Nadie nos podrá separar!
¡Seré tuya! ¡Aquí tienes mi mano!
¡Hasta pronto, Vincent!... ¡Hasta mañana!

VINCENT
(a parte, desesperado)
¡Él me rechaza! ¡Él nos separará!
¡Él nos desprecia!
¡Mañana ya no la veré!

VINCENETTE
¡Pobres enamorados! ¡Los separan!
¡Vámonos, Vincent! ¡Dame tu mano!
¡Debemos seguir nuestro camino!

OURRIAS
(para sí)
¡Que alguien los separe!
¡Que la desgracia caiga sobre él
y mañana lo encuentre en mi camino!

CORO
(a Ramón)
¡Padre cruel!
¡Tu orgullo los separa!
¡En vano intercedemos por ellos!
¡El Cielo te castigará por ello!

(Ramón arranca a Mirella de los brazos de
Vincent. Ella rompe en llanto. Ambrosio se 
lleva a Vincent. Las muchachas rodean a 
Mirella que se ha desmayado.) 

Acto III